Châteaux de cartes

Publié le par Pim

La dépendance est une conséquence immédiate de la dépossession.
Nos gestes ne nous appartiennent plus, mais appartiennent à qui nous enjoint de les produire, notre esprit n'est plus que l’esprit de ces gestes qui ne nous appartiennent plus, automates dont la seule garantie de survie est de faire croître ce monde de la marchandise qui vit, se développe, progresse de ce qu’il aura tiré de sève, d’enthousiasme, d’ingéniosité de l’humanité.

La mise en esclavage de l’humanité est le moteur de ce système, mais l’on pourrait plus exactement parler de vampirisation.

desbabas,  (cf. son commentaire) nous invite à "creuser la question de (...) la construction de l'opinion occidentale." L'antisémitisme ne datant pas du nazisme est sans doute l'un des constituants de l'Histoire européenne. Une histoire juive ne laisse-t-elle pas entendre que le christianisme serait une mauvaise plaisanterie faite aux goïs pour permettre à la religion juive d'accéder à l'universalisme que son dieu unique réclamait pour son peuple élu, entravé dans le particularisme ethnique du judaïsme (peuple et religion n'étant pas dissociables), en la dupliquant en une sorte de "contradiction" maîtrisée ? Le comble du masochiste, fabriquant son bourreau pour mieux le contrôler ... quand le mythe juif du golem rappelle, quant à lui, au créateur les risques qu'il encourt  à instrumentaliser sa créature.
Anthony Sutton participerait-il de ce travail ? Les louanges à son propos, sur des sites à la pensée pour le moins confuse, laissent apparaître une œuvre ambigüe quant à la théorie du complot qui en émergerait.

Le nazisme fut une exacerbation et, conséquemment, une mise à nu des mécanismes du système capitaliste en crise : violence, mise au travail forcé, réification et traitement de l’humain selon les procédés industriels employés de manière générique, systématique, à quelques nuances d’habillage près, dans le traitement de la vie par sa marchandisation.
Il n’est nullement un autre système que le système capitaliste. Contrairement à ce qui est mis en scène aujourd’hui de sa mise au pilori, il est son habit de lumière, porté par celui-ci à l’occasion des circonstances particulières que furent les suites de la première guerre mondiale, où rien de ce qu’était la vérité du capitalisme ne pouvait plus être dissimulable aux yeux des peuples qui avaient connu dans leur chair la réalité de sa barbarie.
Le nazisme fut, avant tout, une opération de sauvetage du capitalisme, le poussant au terme de ses logiques, sans rien en dissimuler, dans une sorte de jeu de la mort, de "quitte ou double" qui ne pouvait durer tant le capitalisme a besoin de sa version "démocratique", présentable, indispensable à son maintien et développement.
Une fois que le degré atteint dans l’innommable eût rendu cela possible, comme d'un concurrent malpropre dont on se débarrasse, le chevalier blanc sauva sa dame de l’Ignoble.

Le manichéisme d’une telle mise en scène est un ressort du pouvoir en crise vieux comme le monde.
Le plat fut aussitôt resservi après la seconde guerre mondiale dans les quarante ans de guerre froide.
Q
uand cet épisode apparut, lui-même, par trop inopérant, la figure de l’”ennemi” fut "relookée". Il se fit islamiste et terroriste, à l’instar du communiste au couteau entre les dents.

Il n’est nul besoin de chercher ici la confirmation d’un hypothétique bureau du complot mondial, mettant secrètement, et surtout génialement, au point de telles stratégies, tel un Deus ex machina.
Très en vogue dans l'idéologie ultra-libérale états-unienne, la théorie du complot fait de l'Histoire le résultat accompli de quelques illuminés omnipotents contrôlant l'État, et dont la seule éviction résoudrait tous les problèmes. Cette fantaisie fait disparaître et la complexité de l'Histoire et les peuples qui la font ... et la défont, ce qui n'est pas un moindre bénéfice quand il s'agit de nous faire avaler que RIEN ne saurait dépendre de notre action.
De telles tentatives existent, non sans effets. Les officines secrètes, plus ou moins étatisées, sont là pour nous le rappeler à quelques occasions plus ou moins spectaculaires. Il suffit de considérer à ce propos l’incendie du Reichstag, présidant à l’accession d’Hitler au pouvoir, ou, plus proche de nous, l’opération Gladio en Italie.
Les gesticulations et autres manipulations de la classe dominante, pour se maintenir aux commandes envers et contre toute réalité, sont bien réelles, et chaque fois plus tragiques, comme s'il y avait une dévaluation de l'intensité dramatique de chaque mise en scène.
Pour autant, contrairement à ce que laisse supposer la théorie du complot, qui réduit la classe dominante à des  chefs supposés (!), la domination de la classe au pouvoir est très incertaine, toujours dépendante du succès de ses entreprises, ce qui justifie d'ailleurs la multiplication de ses coups fourrés. mais ceux-ci se déploient en échappant à leurs metteurs en scène mêmes et à leurs “visions” de malades Dr Folamour, fussent-elles géniales de machiavélisme.
L'Histoire ne saurait être linéaire, telle une couche de ripolin hâtivement passée. Elle est humaine, tissée de petites victoires et de soudains effondrements, de passions et de larmes. Bien en amont de tout phénomène, les logiques qui y président ont façonné le terrain qui les accueille et les fait aboutir.

En amont de la victoire du nazisme, il y a une Europe qu’un Napoléon avait déjà violentée, sans parvenir, pour autant, à la sortir de la féodalité. Il aura fallu, pour cela, un siècle d’industrialisation forcée, de mise au licou de journées de douze heures d’enfants de dix ans. Je ne vais pas vous refaire Zola, mais on a tendance à “oublier”, en nos saintes heures bénies, la glorieuse histoire du capitalisme déracinant les paysans de leur campagne au nom de la “modernité”, de l’”hygiène” et du “progrès”. Au loin, les mots de 89, “liberté, égalité, fraternité”, avantageusement remplacés par “travail, travaille, travaillez”.
En amont de la victoire du nazisme, il y a la boucherie de la guerre de 14, qui fut la vérité de cette ”liberté nouvelle” du travailleur soumis, désormais, non plus aux seigneurs de la guerre mais aux logiques de marchés, plus ravageuses encore, à un niveau jamais atteint.
En amont de la victoire du nazisme, il y a une guerre menée par une classe possédante contre le peuple, qualifié de paresseux et amoral dans son être même puisque se montrant manifestement incapable de comprendre la "valeur du travail et de l’épargne". Ne prétend-il pas, même, cet enfant désinvolte et insolent, en ces heures de sortie de guerre, se passer de ses bienfaiteurs ? La guerre, sans doute aura eu des effets imprévus, et puisque, pour comprendre, il lui faut être marqué, on le traitera donc en bétail qu’il est dans l’esprit de ces industriels nouveaux riches, nouvelle classe possédante arrogante et grisée par ses propres succès faciles ....

Le nazisme fut cela. Une tentative de “pacification” en ces temps de crise, échappant à ceux qui en favorisèrent l’émergence et la mise en place, quand cette classe possédante, soudain inquiète, en  consentit largement les moyens comme on en consent à des hommes de main payés sur des caisses noires afin de “lisser” les relations sociales..
Il est aujourd’hui largement dépassé par cette époque même, dont tout un chacun aujourd'hui s'entend à prononcer, sur un ton tragi-comique, l'absence de maîtrise, y compris quelques histrions qui, à la hâte, pendant qu'il est encore temps, font leur beurre de se dire inspirés et, nous serinent-ils, "prêts à agir" !....

Ainsi, tandis que le florissant capitalisme indien ne s'embarrasse guère de précautions pour signifier au nez allongé des amusants petits gesticulateurs qui fait, réellement, la loi, la dernière trouvaille du genre éculé, après les USA de Bush, et telle l'italie de Mussolini cherchant à reconstituer l'Empire de la Rome antique en Somalie (!), la France (qui n'a pas plus tiré les leçons de ses malheureuses expériences indochinoise et algérienne que les USA de la leur au Vietnam), se (re)lance dans la pacification (comme il est dit dans le film) d'une terre lointaine. Celle où l'Ours soviétique s'est brisé les crocs et, avant lui, la toute puissance armée de Sa Majesté, l'Afghanistan, plaque tournante entre la Chine et le Moyen-Orient, l'Inde et la Russie.
Le gendarme du monde, grotesque au milieu du carrefour,  s'y agite à prétendre en contrôler la circulation ...

La classe possédante ne saurait avoir l’intelligence du présent.
Tout au plus, du fait de la position qu'elle occupe, peut-elle nourrir le fantasme, rassurant de son point de vue, comme de celui des esclaves qu'elle s'est soumis, d’une “maîtrise” du réel, façonné selon ses seuls intérêts, comme on le ferait d'une robe.
Le Spectacle (Guy Debord), cette idéologie matérialisée, en tant que tentative d’une glaciation de l’Histoire humaine réduite en une sorte de laque chinoise, est ce complot ourdi par la marchandise contre la vie elle-même. La réification est ce "complot" vaste et terrifiant, que l'on prétend dissimuler sous ceux que la classe au pouvoir entreprend pour se maintenir, quand il les justifie tous.
Pour autant, ce monde marchant sur la tête est à lui-même son propre ennemi, ruiné par sa propre réalité de parodie : politique à courte vue, incompétence toujours plus flagrante, violence de la razzia, qu’elle ne saurait contrôler, de la part de ses sbires et qui ne peut manquer de conséquences incalculables.
Ses délires s’effondrent alors, comme châteaux de cartes, tournant au cauchemar inhabitable.





Publié dans De la Guerre

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