Arbeit ...

Publié le par Pim

 ... ou des avantages comparés des systèmes de M. Taylor, de M. Macht Frei et de Mme Qualité Totale.

 

Voici un texte qui mettra sur la voie du bonheur, extrait de notes de lecture de J.P Voyer sur quelques pages du livre de Guillaume Paoli Éloge de la démotivation Ed. Lignes *(1) :

 

"Revenons à la fable de l’automatisation intégrale. Si j’en ai fait mention, c’est parce qu’elle révèle a contrario ce qui est en jeu dans la nouvelle organisation du travail. Il va sans dire que la « rationalisation » des entreprises a pour but de faire des économies d’échelle, et non pas de soulager les salariés de tâches monotones. (....). Mais le même but exige que de nouveaux marchés soient ouverts, de nouveaux produits élaborés en continu, et donc que beaucoup d’initiatives soient prises. Bien plus que l’industrie traditionnelle, celle axée sur l’innovation permanente dépend de la foule des initiatives prises par l’ensemble du personnel. Voilà pourquoi il est erroné de croire que le travail soit en voie de disparition. Ce qui décroît tendanciellement, ce sont les tâches d’exécution mécanique. Mais c’est pour mieux développer les tâches de participation active. Autrement dit, plus la reproduction est automatisée, plus le travail humain restant a une part prépondérante dans le processus global, une part qui n’est pas quantitative /80/ bien sûr, mais qualitative. Il faut beaucoup moins de travailleurs, mais pour ceux qui restent, c’est la mobilisation totale.

À la différence du système tayloriste qui dispensait les ouvriers d’avoir à utiliser leur cerveau, l’entreprise n’a plus besoin aujourd’hui de muscles, puisque les automates sont là, mais elle a un besoin vital de cerveaux. Même les opérateurs de centres d’appel, ces OS de la société digitale, doivent impérativement s’investir dans leur job, ce qui signifie : savoir simuler l’engagement. (...)

Marx avait tort de penser que le temps de travail nécessaire constitue la « substance » de la valeur. Ça, c’est de la métaphysique. Mais il avait raison d’estimer que le travail est la seule source du profit, dans la mesure où c’est lui, et pas les « moyens de production », qui est réellement facteur d’innovation."

 

Suit, comme on le lira dans ces extraits sur le site, une analyse de la démotivation.

 

-_- 

Notre point de vue, écarté en début de ces extraits, est que le travail est tendanciellement supprimé*(2) dans le processus actuel de production, la division infinie du travail étant contenue dans la logique même de réduction des coûts, la même qui préside à ce que le travail passe de l'exploitation de la force physique à celle de la puissance du cerveau à imaginer, programmer, concevoir, sans autre investissement, ou quasiment, que les dites matières grises - avec quelques saunas et autres billards en prime, afin qu'elles "s'épanouissent" comme de belles fleurs de serre. On est moins ici dans le travail (tripalium) que dans la culture*(3), mais toujours, n'en doutons pas un seul instant, dans l'exploitation.
Le travail est désormais manipulation de signes, jusqu'à la manipulation du signe du travail : tandis que certains produisent encore des assemblages signifiants - en vue, précisément, d'une accélération de la robotisation, celle-ci ne  fonctionnant que sur la base de langages -, la plupart en est à faire semblant, à produire les signes d'une activité, ou, plus exactement, d'une OCCUPATION à une activité ne leur appartenant pas, à une activité aliénée, en un mot d'une "intégration". La plupart des stages, mais pas seulement - ils ne sont aujourd'hui que le modèle expérimental de ce qui se généralise - auxquels sont conviés de "s'intégrer" ( comment s'intégrer à du RIEN, sinon en produisant du signe) sont d'abord la preuve qu'il ne s'agit plus aujourd'hui que de produire la manifestation que l'on accomplit les gestes de la soumission, que l'on est CONFORME*(4)

 
Après avoir mangé la chair du poisson, le système phagocyte désormais la tête et ce non pas seulement dans les sphères de la création, mais jusque sur les chaînes de montage avec la mise en place du "zéro défaut" expérimenté sur les chaînes des constructeurs automobiles japonais, puis dans les "cercles de qualité" du constructeur suédois Volvo, dont s'est inspiré Renault, en France, notamment dans les années 90.

Il est vrai que cela a fait la renommée de Toyota, dont on voit aujourd'hui combien elle était parfaitement justifiée !... Combien de millions de voitures  ce constructeur a-t-il dû "rappeler" sur ses chaînes de "qualité totale" ces derniers mois ?

On dira donc ici, peut-être, que la motivation n'a pas réellement fonctionné ou, ce qui n'est pas contradictoire, que les ouvriers n'avaient plus les ressources psychologiques de soutenir les "flux tendus" ?

Une preuve, s'il en est, que le système touche à ses limites ;  autant dire qu'il n'aura bientôt plus rien à se mettre sous la dent, une fois qu'il aura fait, comme dans les camps, ou comme chez M. Cameron*(5), fait aussi cuire la carcasse.

Quelles sont-elles, sinon que le travail robotisé à l'extrême, soumis à l'exigence des machines, à l'exigence de l'abstraction, dépasse les capacités humaines ? Il semblerait, en effet, que malgré toute notre "bonne volonté" de parvenir à leur perfection, nous nous voyons dépassés par les capacités fonctionnelles de nos produits d'acier et de puces*(6).

 

Ce n'est un secret pour personne, le travail a toujours été une torture.

Du moins pouvait-il apparaître justifié en d'autres temps quand rien ne venait remplacer ce qu'il procurait de puissance sur le monde. Les possédants l'ont bien compris, dont la puissance consistait précisément  en leur capacité à se séparer de sa nécessité pour eux en le faisant accomplir par d'autres.

À l'époque moderne de l'industrialisation, c'est-à-dire de la mécanisation du travail humain, les possédants de ces machines ont commencé par renverser toutes les valeurs à propos du travail : quand il était considéré comme malédiction, ils ont voulu en faire une bénédiction ; ils ne faisaient là que poursuivre - par atavisme, autant que par superstition - la position qui avait été celle de leurs aïeux qui, en tant que classe, étaient parvenus à renverser la classe du non-travail à la force de ses calculettes ; le travail leur apparaissait comme une manne.  Classe du travail, elle devint la classe de sa maîtrise ; le travail industriel n'est plus celui de l'épicerie, mais celui des ouvriers en tant que force de travail. Elle dut donc vivre sur cette contradiction, explosive, de faire à la fois du travail une valeur, tout en faisant en sorte de faire disparaître le travail comme source de la valeur.

C'est avec le développement de la consommation comme nécessité de la production industrielle, c'est--à-dire de l'enrichissement, et à la faveur du développement qualitatif de la mécanisation, avec son automation et son informatisation, que bascule visiblement le rapport au travail. D'une étrangeté croissante, il devient honni, ce non seulement du fait de la classe possédante - qui ne dissimule plus rien de son mépris du travail, tout en imposant toujours davantage sa nécessité ... pour les autres (!) -, mais aussi et surtout, du fait de moyens qui, en effet, le suppriment. C'est à la mesure même de cet éloignement qu'est désormais exigée de chacun une adhésion corps et âme, aliènation absolue à un projet de plus en plus éloigné de toute réalité humaine, à l'instar des SS, snippers dans un Berlin en ruines.

Aussi bien, "motiver" devient le problème numéro un de ce système quand apparaît  de plus en plus manifestement à chacun, la suppression de sa nécessité. Il faut, désormais, à la classe possédante des trésors d'imagination - ce dont elle est singulièrement privée du fait même de sa position hors champ - et quasiment à tout prix ( Hum ! enfin ...), faire participer à l'exploitation, en l'emballant sous des atours chatoyants, "pédagogiques" ou "d'intéressement", puisque celle-ci paraît, en effet, de moins en moins justifiée du fait des moyens existants de s'en passer.

 

Or donc, le rat, sans serpes ni serpillons, doit couper cordes et cordillons, s'il ne veut pas crever dans les rets de la robotique et autre cybernétique.
À SUIVRE ....

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NOTES

 
1-  http://leuven.pagesperso-orange.fr/noc-blot-3.htm#hayek_friedman

 

2 - http://fr.news.yahoo.com/55/20101122/tod-un-robot-sur-scne-pour-jouer-dans-un-17baed7.html

 

3 - Le constructeur Renault, enfourchant le dada de la disparition du travail dans ses aspects sales, repoussants, aliénants, si chère à cet Europe occidentale, à ce capitalisme avancé, post-industriel, a fait en France son image de marque des années 90-2000 moins comme constructeur que comme "concepteur", dans la lignée, donc, de ces temps qui causent toujours plus d'idée et de concept, tout en étant manifestement toujours plus stupides et analphabètes. 

Il est vrai que cette marque a vu ses usines de montage passer de quelques 25 000 ouvriers à moins de 5 000 en quelques années et que celles-ci font davantage penser, désormais, à des bureaux d'études qu'à des ateliers. Dans le temps même  de cette "purification" clinique par le vide,  l'externalisation tournait à plein régime vers de la sous-traitance, elle-même pressée de se mettre à la page si elle voulait continuer de travailler ppur un "concepteur", et pour le reste, la délocalisation n'a pas chômé.

Ce qui laisse à penser que la désindustrialisation des pays du capitalisme post-industriel s'est faite au profit de pays émergents qui peuvent bien recevoir, quant à eux, toute la saleté à traiter, ateliers et déchets polluants qui vont avec, selon la bonne vieille pente coloniale qui continue de régir les rapports Nord-Sud, et en raison de ce que, d'une part, le capitalisme est essentiellement polluant  - il faut  donc bien que ses déchets aboutissent quelque part - et que, d'autre part, les coûts du travail externalisé sont évidemment moindres, notamment en termes d'environnement du travail, de protection sociale, et aussi parce que le travail humain continue d'être la source de la plus-value.

Que cette source soit aujourd'hui dans la pressurisation à forte valeur ajoutée des cerveaux n'est pas ici mis en doute ; non sans contradictions avec la division du travail, qui a réparti les tâches dans la continuation de la colonisation, cette tendance est aussi planétaire.

 

4 - Note du 24/12/201 - De plus en plus de moments permettent de se rendre compte que "tout fout le camp" : passés les premiers moments de civilité contrainte faisant partie du protocole appris de mise à distance, de désamorçage de l'agressivité (!), le naturel revient au galop d'un boulot pour lequel on n'a pas été formé en cas de dysfonctionnement réel, ou si mal ; on montre alors ne pas savoir quoi faire, ou se désintéresser de ce qui peut advenir puisque, globalement, on n'a rien à faire de ce boulot. Il ne nous concerne en rien. Mais, le plus généralement, c'est la direction elle-même qui aura "invité" les salariés à se "retirer" !

 

5 - Le retour à l'antiquité, l'exclavage, est aussi bien la vérité des flux tendus (à moins que ce ne soit l'inverse), leur préfiguration expérimentale, par laquelle la nécessité du travail ne s'enracine plus que dans la guerre, qu'il faut à son tour fonder comme guerre contre un ennemi. Le tout est de justifier l'ennemi, de le faire celui de chacun et de tous : hier les communistes, les juifs, les anglo-maçonniques, aujourd'hui, la concurrence tous azymuts, la guerre du commerce contre tous.

En quelque sorte, le système est obligé, sur sa fin, de cracher la vérité du rapport social qu'enrtetient la marchandise avec la planète, avec le vivant.

 

6 - Nous nous y employons pourtant, jusque dans l'hybridation du cybernanthrope que l'on ne manque plus de croiser aujourd'hui en tous lieux, tel qu'il ne cesse plus de vivre par et avec les machines qui lui permettent, enfin, de se passer de la fréquentation de ces bouseux d'humains. Exaltant ...

Las ! Nous n'y parvenons en rien, et même des acteurs se voient aujourd'hui "dépassés", remplacés par des robots ; il faut dire qu'auparavant un travail de "nettoyage" aura été opéré sur le scénario : il n'y a plus de jeu ; il n'y a plus que des gestes

 

 

Article du 28/11/2010, modifié le  24/12/2010 (Note 4)

Publié dans De la Guerre

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