Boulot, mettre au caveau

Publié le par Pim

La pitoyable bataille de chiffres *(1), revenant à ramener les termes d'une opposition à la dite "réforme des retraites" à son seul affichage quantitatif censé dire l'essentiel de sa "valeur", dit assez l'ordre de grandeur de l'esprit des lois moderne : une loi n'a aujourd'hui de valeur, non au regard de ce qu'elle est censée procurer de bien-être à l'ensemble d'une société, mais de ce qu'elle remue d'affichages en sa faveur ou défaveur. En bref, l'esprit des lois se ramène à celui de l'épicerie : combien vaut tel produit du commerce, combien rapporte-t-il à celui qui l'achète et le vend ?

 

Tout cela dissimule d'abord que la dite question des retraites n'en est pas une.

Les uns prétendent - puisqu'il leur faut mesurer ce qu'ils "donnent" à la société, c'est-à-dire ce qu'ils auront en moins dans leurs poches - qu'ils ne peuvent payer plus, et qu'en allongeant l'âge du départ à la retraite, ils "sauvent le système par répartition". Ce qu'ils sauvent, c'est bien en effet le système, celui dans lequel la prédation est la règle et qui les a autorisés, comme une normalité indiscutable, de financer outrancièrement les banques, sans leur demander de contrepartie quelconque au regard de leur gestion purement spéculative. La prédation, en l'occurrence, s'avère être de ne pas payer des pensions, pourtant dues, à des gens qui crèveront plus tôt d'être ainsi amenés au bord du gouffre, au terme de leurs forces.

Les autres, en face, énoncent cette simple vérité que l'allongement de la durée de la vie n'est jamais que la conséquence du fait que le travail est devenu plus productif du fait de sa mécanisation généralisée : ce que fait un homme aujourd'hui devait être fait hier par dix, cent, mille hommes, quand la comparaison chiffrée est encore possible, puisque, aujourd'hui, des travaux sont accomplis qu'aucun humain n'a jamais été capable d'accomplir par ses seules petites mains et n'en sera jamais capable.

 

De là à dire la conséquence qui en est évidente, à savoir que le travail est en train d'être globalement supprimé, c'est-à-dire qu'il n'a plus AUCUNE raison d'être *(2), ils ne s'y risquent évidemment pas, puisque le travail humain, l'esclavage, continue de faire vivre ces dits représentants, de quelque bord qu'ils se situent, et c'est au moins sur sa nécessité pour eux, pour la conservation de ce monde de dépendance, qu'ils militent, en accord parfait avec ceux dits "d'en face".

Aussi bien, vouloir maintenir les hommes dans un système consistant à ce que la jouissance de la vie, et non seulement le "repos" - comme on la nomme aujourd'hui - continue d'être une forme de compensation, un "droit" dépendant de la quantité d'anéantissement de soi produite tout au long d'un renoncement à la vie - selon un mode très chrétien de sacrifice - est une aberration, une stupidité, un arbitraire, quand ce renoncement, cette malédiction du travail n'a plus de nécessité.*(3)

L'UNIQUE nécessité de son maintien réside, en effet, dans le maintien de cet ordre fondé sur le sacrifice réel de la vie du plus grand nombre ; et la dite "réforme des retraites", par ses incohérences mêmes qui maintiennent au chagrin durant de longues années supplémentaires des gens qui n'ont plus même de ressort physique et donc de "productivité", au sens strictment esclavagiste du terme, quand, dans le même temps, des forces vives pleurent misère traduit la contradiction centrale de ce système : il doit maintenir le travail humain, source de plus-value, alors même que tout développement le supprime.*(4)

 

 

Il n'y a pas aujourd'hui, en France, ni même sans doute en quelque endroit de la planète, un "mouvement" à même d'énoncer clairement ce pourquoi, précisément, les gens en viennent à mettre en cause ce qui leur vend leur cher confort à la petite semaine. En d'autres termes, il n'y a pas encore, ici où là, de mouvement conscient de ses buts réels, quand, partout, le mouvement réel a déjà prononcé contre les conditions existantes le jugement sans appel de leur suppression.

 

Pour autant, s'il est certain que ces troupes s'agitent sous la férule de menteurs patentés, de quelque bord qu'ils soient - qui peut croire encore ces guignols dont même le bras armé doit mentir pour agir ? *(5)  -, il est tout aussi certain que le mensonge des uns comme des autres est d'abord chargé de dévoyer la vérité d'un ras-le-bol généralisé, d'une perception sourde qu'une autre manière de s'organiser est possible quand le désordre présent ne donne plus d'autre signe de son existence que prédation hâtive et accélérée avant que ne survienne son effondrement visible à tous.

Ces modes différents de vivre en société devront se trouver dans le cours même de cette lutte  contre les menteurs de tous poils et dont il est clair, dès à présent, qu'elle devra être décisive,*(6) interdisant tout retour au mensonge, à la manipulation, à la terreur de la prédation.

C'est là la seule question, pratique, qui mérite que l'on s'y arrête quand sa solution contient la forme sous laquelle peuvent être résolues quasiment toutes les autres.

 

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*(1) - La dernière plaisanterie à la mode consiste en ce que certains médias, installant leurs propres comptages, s'en autoproclament les arbitres "neutres" et "objectifs", quand - comme chacun a déjà pu le vérifier en de multiples occasions - ils ont depuis longtemps choisi leur camp, celui de leurs financeurs sous conditions. Aussi bien, une telle neutralité, de référence, rien de moins, peut-elle, sans vergogne, titrer son torchon "Les syndicats cherchent la moins mauvaise porte de sortie", tirant déjà un trait sur le présent avant même ses conclusions, histoire de les induire dans le sens qui conviendrait le mieux au maintien de l'esclavage moderne dont ils tirent leurs piteux avantages.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/10/16/retraites-la-mobilisation-syndicale-ne-faiblit-pas_1427401_823448.html

 

*(2) - L'argent qu'il continue de procurer - chichement - est devenu l'unique médiation entre les hommes et, conséquemment, leur unique but dans la vie : en avoir plus est aussi bien être plus "humain", car "valoir" plus. Telle est la formule résumant à elle seule l'idéologie des petits nains qui s'agite dans nos têtes.

 

*(3) - Elle n'en a plus non seulement au niveau des moyens dont la technologie dispose aujourd'hui, qui a littéralement supprimé le travail humain en robotisant, mais elle en a encore moins au niveau de ses buts.

Cette société aliénée continue de faire travailler des hommes, de les esclavagiser, au sens pharaonique du terme, de leur faire prendre des risques tels que leur vie est mise en danger à chaque geste qu'ils doivent produire pour la réalisation de rêves de puissance aussi pharaoniques que stupides.

http://documentaires.france5.fr/documentaires/superstructures-xxl/un-hotel-grande-vitesse

L'étalage, au milieu du désert, d'extravagances architecturales, résume, sur un territoire restreint, la vacuité de cette société du spectacle, de ses buts réels, de ses méthodes, consistant, d'un seul tenant, à nier toute vie sur cette planète au nom des prétentions des puissances d'argent à s'afficher, bien conscientes qu'elles sont incapables d'aucune autre qualité.


*(4) - Le thème, fort en vogue, de "développement durable" est une tentative, assez désespérée et peu crédible, de résoudre cette contradiction par l'étirement sans fin de la chaîne des services domestiques, notamment, visant à faire du travail humain une simple nécessité domestique, son équivalent productif se nommant "commerce équitable" ; une belle gageure que les voleurs eux-mêmes se mettent à faire justice !.... Un tel développement, en forme de régression sociale aux relations sociales du XIXè et de modernisation des rapports coloniaux, s'avère un mode très local, ne devant profiter qu'à la forteresse occidentale, jalouse de ses richesses acquises sur le dos d'un développement mondial inégal, et incapable de maintenir le statut réel du capitalisme mondialisé, quand des populations bien plus nombreuses que l'Occident, prétendent au même niveau de consommation, lequel suppose le même mode de production polluant et sans vergogne.

 

*(5) - http://libertes.blog.lemonde.fr/2010/10/17/fichier-des-roms-la-cnil-et-le-general/

 

*(6) - Note du 18/10/10 - S'il est indéniable que les lieux de production sont, encore, les lieux de la critique de ses modalités, si ce n'est de ses buts, il est tout aussi indéniable qu'ils n'en détiennent plus le monopole. Le triomphe sans partage de ce mode de production est aussi bien son extension à toutes les modalités de l'existence dans ses buts comme dans ses méthodes. L'extension planétaire du front est aussi bien sa ligne de faiblesse, et ce mode de production s'avère de plus en plus fragile en ses nombreux points de l'étirement de sa chaîne et notamment sur les flux, vitaux, de son capital circulant. *(6 Bis) 

 Mais, quand ceux qui sont coupés de la ligne de production semblent devoir rester dans l'attente de ses résultats, une position encore stratégique, aujourd'hui, est d'être encore à même de se parler, c'est-à-dire de décider - puisqu'on en connait le mode d'emploi - de retourner les outils de l'aliénation contre ceux qui en commandent l'emploi ; les routiers nous en font une belle démonstration. 

Aux nouvelles fraîches qui sentent bon la marée du petit matin, la vague remontante, semble s'amorcer l'ouverture d'un second front qui ne manquerait pas de développements, celui d'une jonction des lycées professionnels avec les cités qui les environnent. Nanterre, Joliot-Curie, Pablo Picasso, ... L'art se ferait-il "radio-actif" ?

Cela semble perturber les apprentis-bureaucrates de l'UNL (Union des Nouvelles Langues cireuses de godillots), lesquels n'hésitent  pas à pleurer misère auprès de la police quand ils perdent leur "représentativité", leur droit autoproclamé de Kapos de la manipulation !... (M6 66minutes - 17/10/2010) : ils s'empressent de libérer leurs petits poumons dans le crachoir que  leur tendent si complaisamment les médias pour se démarquer des dangereux trublions, "casseurs" de poubelles, provocateurs, "étrangers" au digne mouvement lycéen. Comme cela est une évidence pour tous, les "racailles de cités" n'ont rien à dire sur la retraite et la vie de merde qui la produit, puisqu'ils n'étudient même pas pour en bénéficier. Le dernier arrivé ferme la porte, puisqu'il apparaît donc si clairement que la remise en question d'une mise brutale au caveau après une existence de renoncement ne peut être que la revendication catégorielle de ceux qui ont déjà, à 16 ans, renoncé à tout.

Si l'emploi de provocateurs n'a jamais été négligé par quelque police, et notamment dans une stratégie de la tension visant à effrayer les classes du consensus de la vie monastique de la consommation dirigée, si promptes à en appeler à un État musclé, il est tout aussi avéré qu'il constitue une arme à double tranchant.

 

*(6 Bis) - Note du 18/10/10 -  C'est à ce premier front, qui ne manque pas d'inquiéter les tenants de l'ordre en ce qu'il pèse comme une menace sur les sources mêmes d'approvisionnement du mensonge - et au cas où les diverses provocations, épouvantail de mai réagité dans sa soutane, n'auraient pas l'effet escompté - que s'adresse la "sérieuse menace terroriste" tout récemment ressortie du placard et qui pourrait s'avérer, on nous l'a promise, être la toute dernière porte de sortie d'un État mis à l'index.

 


Dernière modification 18/10/210

Publié dans De la Guerre

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