Heil E.T. !...

Publié le par Pim

On semble s'en émouvoir, mais c'est là pourtant une triviale réalité : les rapports de force sont la marque exclusive des rapports sociaux, y compris au cœur même de ce qui pourrait, un temps au moins, les mettre en veilleuse.
Mais, jusque dans la prétendue compassionnelle "aide internationale", il ne saurait y avoir de quartier. Chacun pour soi et tous pour le Big Chief  quand il est question de faire valoir (au sens $ du terme) son image.

Ainsi, dans l'affaire haïtienne, les écrans dégoulinent de compassion pour ces pauvres dont on voit, à l'envi, les images de corps disloqués, de sang, de terreur ou de larmes bien réelles.
Cela, on le sait, fait vendre, puisqu'il faut décidément édifier les pauvres du monde. À la vue de telles images, n'est-ce pas, "on se dit que l'on n'est pas si malheureux".
Enfin, la violence d'une telle fatalité, qui nous ramène aussitôt à notre précaire et fragile condition humaine, nous fait omettre de verser d'autres larmes sur d'autres corps, cœurs, consciences, meurtris dans le temps même de cette tragédie haïtienne, ou avant, par des hommes et non des éléments. Faut-il ici rappeler,  l'Irak et ses bombes, Gaza et ses bombes, l'explosion de l'usine de pesticides d'Union Carbide (Dow Chemical maintenant) à Bhopal, la bombe de Tchernobyl, l'Erika, la désertification programmée par l'ndustrie agro-alimentaire, sur fond de commerce et de mise en dépendance de millions de paysans, pour ne parler que du plus spectaculaire et du plus récent ?...

C'est donc tout naturellement que le petit roîtelet de France se sera porté au secours des Haïtiens, diligentant ses gros porteurs et sa flotte.
Las ! les Haïtiens ont beau causer frenchy et le sinistre Duvalier avoir été tout naturellement abrité complaisamment par la République française, la concurrence des marchands d'images aura été désamorcée avant même que de commencer. Tandis que le vassal pérorait, lui si petit, sur son dada favori de "grande conférence internationale" (!) (ça permet toujours de voyager, aux frais de la princesse comme il se doit, et de se montrer, à défaut d'une quelconque autre utilité), le grand méchant loup, plus pragmatique, y était avant, déjà comme chez lui en quelque sorte, ayant saisi toute la valeur mercantile de cette opportunité pour redorer à moindres frais l'image d'une Amérique se portant toujours, le cœur sur la gachette, au secours des déshérités  ...

Ceux-là mêmes, sur l'île décapitée de toute institution, en lesquels pourrait germer l'idée que tout leur serait permis, voire d'aller chercher sous les décombres quelques documents onusiens, pour s'en nourrir par exemple.
Aussi, sous couvert de sa bienfaisante toute-puissance à protéger chacun de soi-même et d'y rétablir, ici comme dans le monde, la puissance de SA liberté. le gendarme du Monde libre aura-t-il très raisonnablement, avec toute sa coutumière délicatesse, su profiter de la circonstance pour envahir la partie rebelle de cette île.  Un débarquement de Marines et de GI's - 3500 prévus initialement, 4200, nous dit-on à ce jour, et jusqu'à ... 10000 prochainement ! - y faisant régner l'ordre, prenant le contrôle des accés de sa seule piste d'atterrissage, la refusant aux secouristes français, leur signifiant ainsi qui est, à présent et jusqu'à désormais, le maître de l'île*, sans autre mandat que celui qu'ils se seront délivrés, sur le territoire d'un État dit souverain.
Ses termes ? "Assurer la sécurité" des intérêts bien compris des Haïtiens, si proches, comme chacun le sait, de ceux des USA - " En 1970, Haïti produisait 90 % de sa consommation alimentaire ; elle en importe aujourd’hui 55 %. Le riz américain subventionné a tué la production locale." -, si près de St Domingue - une partie du monde ayant intelligemment su se substituer au bordel américano-cubain de Batista, livrée aux joies du tourisme, du trafic international et de l'empire du jeu -, si près de découvrir que l'on ne s'intéresse aux hommes qu'une fois qu'ils sont à terre et que l'on peut alors les dépouiller.

Aux derniers bruits de chaînes, la violence s'accroît dans certains quartiers de Port-au-Prince  - "La police a ouvert le feu sur des groupes de pilliards dimanche, faisant au moins un mort (...)" -, comme justifiant la présence de ces militaires états-uniens qui, quant à eux, se contenteraient de "sécuriser" l'aéroport et le contingentement des secours et des vivres,  sans se risquer jusqu'au milieu des décombres. Les Haïtiens peuvent bien crever, si ça leur chante ; à considérer la vitesse à laquelle vivres, médicaments, secours parviennent aux populations, on comprend vite que ce n'est pas là l'urgence de la toute-piussance occupante, seulement préoccupée de maintenir l'Ordre c'est-à-dire les intérêts économiques vitaux. Ainsi le ministère du pétrole à Bagdad, ainsi l'aéroport à Port-au-Prince.

Outre, donc, le marché compassionnel lucratif que permet la fascination télévisuelle de la souffrance des autres, outre ce qu'elle aura permis d'une invasion "humanitaire" à intérêts anonymes privés, marché en expansion depuis "la chute du Mur" de Berlin, la tragédie haïtienne aura offert aux États-unis de redorer leur image, c'est-à-dire vendre leur compétence au monde.
Une compétence "légitime" puisqu'efficace, selon les termes du pragmatisme marchand. Acquise dans les zones où les États-unis auront initié le chaos, elle aura ici fait la démonstration qu'elle peut s'employer en tout lieu, quand il n'est nullement question de venir en aide aux populations, mais du simple déroulement d'un protocole ordinaire de substitution armée aux autorités locales décrétées "défaillantes", de "sécurisation", selon l'euphémisme en vigueur dans la novlangue, pour faire face à toute situation - ou en prévention de  - toute déviance de la norme édictée dans les bureaux d'étude du trafic mondial.
Au hasard et liste non exhaustive, émeutes de la faim, réfugiés climatiques, explosions d'usines chimiques ou thermo-nucléaires, refus de l'empoisonnement biotechnologique ou de quelque autre "progrès" dit "alimentaire" par des populations ignorantes et arriérées, inconscientes de tout le bonheur qu'elles vont devoir produire pour pouvoir l'acheter, ...

À bien considérer cette "compétence", c'est-à-dire ses méthodes, qui traduisent aussi bien la séparation dont elle procède, et qu'elle régénère, que la terreur qui l'accompagne de chaque coté de la mitraillette - son outil de "travail" -, on ne peut que douter de sa quelconque capacité à maîtriser quoi que ce soit. Avis aux survivants au milieu du chaos qui, partout, s'installe comme chez lui, comme l'ordinaire d'un monde en ruines : il paraît que l'on y rencontre ses voisins.



*Note du 23/01/2010  :  On notera que les média français se montraient assez bavards quant aux agissements états-uniens, alors même que l'on frôlait la bouderie diplomatique entre un pays conquérant et son vassal, ainsi qu'en témoigne cet article d'un journal en ligne peu soupçonnable, en général, de dire quoi que ce soit qui puisse nuire à la Sainte Entente Cordiale.
Il n'en est plus de même aujourd'hui que les ombres ont été dissipées par des ententes de coulisses dont on ne dit mot. Silence radio ou, plus exactement : les États-unis ont eu raison d'agir comme ils l'ont fait. C'était même là une nécessité !...
Voici un retournement de micro ... éloquent, pour le moins !


Publié dans De la Guerre

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