Thrace
Modifié le 5/06/13
Le Grand Turc a quelques soucis à se faire en ce moment : voulant afficher son "modernisme", lui aussi veut "construire", non pas un ayraultport, mais montrer sa capitale dans le spectacle Mille et une nuits de la reconstitution de son glorieux passé ottoman (militaire) associé, comme il se doit en religion "moderne", ... à un centre commercial(1).
Un projet qui en dit long sur la société turque - et, d'une manière plus générale, sur les marches de l'empire, les dites "périphéries" de la marchandisation du monde - : vouloir ménager les symboles sans rien ménager des réalités, atomisées, désintégrées, anéanties, quant à elles, par la marchandisation galopante. L'étalage de leurs symboles en un patchwork de nouvelles marchandises culturelles est désormais la seule "réalité" de cette société religieuse qui adore ces images, sources de plus-value, de NewYork à Vladivostok en passant par Santiago, Stockolm, Pékin, Oradour ... et même Ste Sophie et Bagdad.
À la différence des sociétés du spectacle intégré de l'Occident, où l'abrutissement et la soumission à la terreur marchande servent d'eau et d'air que l'on respire, des sociétés entières, à sa périphérie, non encore totalement soumises et dociles, se fissurent sous la poussée de ces tiraillements, qui s'avèrent béances dès lors que paraissent s'ouvrir quelques fenêtres de la modernité.
C'est ainsi que voilà son Premier sinistre à devoir intimer à tous ces Jeunes Turcs - qui semblent préférer la pelouse aux temples et autres musées, et comme on les comprend, l'air y est sans doute moins vicié - de cesser immédiatement toute manifestation, toute vélléité de se faire entendre, toute vélléité de démocratie, telle qu'elle leur aura pourtant été promise et garantie.
Voici donc notre Grand Turc ami de la "modernité"(2), celle qui doit désormais donner du canon à eau et autre flash-ball démocratiques jusques dans les rues de Stockolm, à devoir éteindre les incendies partout ailleurs allumés - en juste retour, puisque des populations fraîches à passer à la moulinette de l'aliénation moderne semblent plus coriaces et résistantes à la chose que les populations dites "intégrées". Intégrées à quoi ? À leur inutilité désormais flagrante ? ... ou, plus exactement, à leur auto-digestion ? ce qui, on le concédera volontiers, revient au même puisque celle-ci est bien la cause de celle-là.
La tranquiilité n'est plus de ce monde, on le savait, mais il fallait bien l'entendre : à la radicalisation réelle, telle qu'on l'aperçoit ici et qui laisse apparaître, par la critique qu'elle en fait, la collusion réelle du sabre et du goupillon, de la religiosité hystérique et de la modernité de la prédation, doit de plus en plus s'opposer visiblement - sans guère de retour possible et comme, en quelque sorte, la dernière vérité du désordre de la prédation -, la beyrouthisation du monde, son irakisation, sa syrisation si l'on préfère, chaos programmé comme spectacle de la fin du monde devant dissuader les hommes de se prendre en mains.
Il faudra bien reconnaître les siens ...
De fait, le pouvoir multiplie les projets d'envergure. Mercredi 29 mai, le premier ministre inaugurait le chantier d'un troisième pont enjambant le Bosphore, entre l'Europe et l'Asie. D'une longueur de 1,3 km, il doit être relié à une nouvelle autoroute périphérique, menaçant 85 000 hectares de forêts protégées, selon la chambre des planificateurs urbains d'Istanbul. Le gouvernement a également imposé la destruction d'immeubles anciens, de cinémas et de théâtres, pour laisser place à de nouveaux centres commerciaux, ainsi que la rénovation du quartier central de Tarlabasi, confiée au groupe Calik, dirigé par le gendre de M. Erdogan.
La frénésie bâtisseuse du pouvoir semble infatigable. Outre un troisième aéroport aux dimensions colossales, M. Erdogan souhaite construire prochainement une mosquée, "la plus grande du monde", sur la colline Camlica qui domine toute la ville. Et il ne compte pas s'arrêter là : le premier ministre a mis sur pied le projet "fou", selon ses propres termes, d'inaugurer, pour le centenaire de la République turque en 2023, un gigantesque canal de 150 mètres de large et de 50 km de long, le "Kanal Istanbul". Parallèle au Bosphore, cette voie d'eau relierait la mer de Marmara à la mer Noire et devrait permettre de désengorger le trafic maritime sur le détroit. Avec, là encore, des conséquences écologiques, le tracé du canal risquant d'entraîner la pollution de l'eau douce des lacs au nord-ouest d'Istanbul, dont la ville dépend pour sa consommation.
http://www.lemonde.fr/international/article/2013/06/04/des-projets-d-urbanisme-demesures-a-l-origine-des-emeutes-d-istanbul_3423590_3210.html
2 - Elle le lui fait d'ailleurs savoir : Les USA et l'EU se sont "émus" et ont demandé au Grand Turc de faire preuve de «retenue» (dixit M. Fabius).
La Turquie, allié de l'Occident démocratique, a une IMAGE à faire valoir : "Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a appelé dimanche les autorités turques à faire preuve de «retenue» face aux manifestants (...). «La position de la France est de demander qu'on fasse preuve de retenue (...)», a déclaré Fabius lors de l'émission Le Grand rendez-vous Europe 1/I-télé/Le Parisien.
http://fr.news.yahoo.com/laurent-fabius-appelle-autorités-turques-à-retenue-093102108.html
Faites preuve de «retenue», M. Le Grand Turc : cachez ces violences que nous ne saurions voir(*) ...
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20110118.OBS6443/verbatim-les-propos-controverses-d-alliot-marie-sur-la-tunisie.html