De l'abjection

Publié le par Pim

Le journal Daily Mirror publie ce matin en première page la photo d’une mère qui a dénoncé sa fille de 18 ans à la police. Elle lance un appel aux parents de casseurs : « dénoncez votre enfant, ça fait mal mais c’est ce qu’il faut faire ».

 

Actrice prostituée aux somptuaires émoluments de la propagande des modernes Kommandantur, ou mère indigne, qu'importe, désormais, puisque toute la réalité de la moderne aliénation à l'argent se trouve ici résumée, d'un coté, comme de l'autre. Il n'existerait, en effet, selon l'État, et sa police, PLUS RIEN D'AUTRE  qui mérite considération, puisque le scandale, désormais, ne saurait nullement de crever comme un chien galeux sur les trottoirs au pied des banques, mais d'oser récupérer ce que le peuple aura produit, OSER PILLER LES VOLEURS

AJOUT DU 15/08/11 - C'est sans doute horrifiées d'une telle audace que les voix de ce qu'il est convenu d'appeler la "gauche", en France, ou bien se contentent de n'en surtout rien dire,- seul celui qui ne fait rien ne se trompe jamais -, ou bien diffusent elles-mêmes des photos des émeutiers à visage découvert * - aide-toi, le ciel t'aidera -, ou bien se croient obligées, rien de moins, de justifier les émeutes en les fondant sur la situation sociale des quartiers qu'elles ont touchés **, alors même que ce qui DEVRAIT SURPRENDRE est bien plutôt que ces populations ainsi soumises ne se révoltent pas.

 

Dans le centre-ville, la police a installé ce qu’elle appelle « un digi van », une fourgonnette avec un écran de 6 m2 qui montre en boucle 50 images de casseurs prises par les caméras de vidéosurveillance des magasins pillés.

A Manchester, des « digi van » roulent dans les quartiers. Les photos des casseurs sont aussi montrées sur des écrans géants sur la plus grande place de la ville. (1)

 

AJOUT DU 14/08/11

Image après image, ces criminels (sic !) seront identifiés et arrêtés et nous ne laisserons pas ces inquiétudes bidons concernant les droits de l’Homme s’immiscer dans la publication de ces photos et dans l’arrestation de ces individus”, a déclaré le Premier ministre David Cameron. (2)

Il est vrai qu'en matière de droits de l'homme, ce premier bidon en connaît un rayon, lui dont les amitiés vont jusqu'à faire embaucher comme conseiller du prince un délinquant pratiquant, de notoriété publique et condamné pour cela, les écoutes téléphoniques illégales.  (3)

S'il fallait verser dans la théorie du terrorisme d'État, on pourrait sussurer que ces émeutes, liées à l'assassinat - non élucidé (4)- d'un Antillais, Mark Duggan, par des tireurs d'élite de la police, viennent, à point nommé, occuper le devant de la scène et faire ainsi disparaître, de facto, aux oubliettes médiatiques, cette sale affaire d'écoutes illégales en un temps où les mesures anti-sociales de l'héritier de Thatcher en faveur des banques pourraient menacer la paix sociale. D'une mêche jetée dans la poudrière sociale et prenant au-delà de toute espérance, deux coups : les Anglais pourraient regarder à deux fois, désormais, avant que de se lancer dans la bataille de rue.


Nous ne savons rien des arcanes du pouvoir, et il serait donc aisé de nous laisser aller à cette façon d'"analyse", SI FACILE et flattant notre sentiment de la séparation - à laquelle se résolvent déjà ceux-là mêmes qui, férus des coups fourrés pour les pratiquer eux-mêmes, entretiennent ce type de mythologie d'un État surpuissant, omniscient, omnipotent (voir à ce propos notre article Du "complotisme").

Ne saurait cependant tenir lieu d'analyse un sentiment. Qu'il nous suffise, alors, de considérer à quel point l'État, en charge de la sureté de ses citoyens -  qui payent  pour cela des impôts au seul détenteur de la violence légitime, - est dépassé en tout, y compris par ses propres "services" lesquels peuvent désormais prendre des initiatives, puisque l'autorise, en effet, la décomposition de l'État, dont la dernière planche de salut semble être d'encourager, d'entretenir, de fomenter l'ambiance délétère qui circule sur la planète et en Europe, en particulier : "lutte contre la délinquance" dans les bas-quartiers, quand la vraie délinquance est désormais banquière, "lutte contre la drogue", quand sa culture est planifiée par la coalition en Afghanistan même, ethnicisation, militarisation des forces étatiques censées faire régner l'ordre quand elles ne font qu'attiser le feu de la haine par des propos et des méthodes qui disent tout de leur endoctrinement raciste qui leur tient lieu de gnôle avant la charge.

C'est bien cette ethnicisation, ce racisme qui auront été d'abord le leit-motiv du message médiatique d'État pour discréditer les émeutiers  et ce n'est qu'après que celui-ci ait fait long feu devant la réalité des faits - de jeunes blancs arrêtés en nombre - qu'il aura été simplifié en la seule  langue que connaisse l'État aujourd'hui, celui de la GUERRE SOCIALE. 

 

C'est même précisément à la mesure de ce que l'État, aujourd'hui, ventripotent  - tant il est PARTOUT présent désormais, et impotent du fait même de cette omniprésence, doit se donner des allures de matamore, afin de justifier de son rôle auprès de populations dressées à être "protégées" - la condition même de leur servilité - et les rassurer que "tout est pour le mieux, que la situation est sous contrôle".

Ce sont donc  les histrions qui lui servent de représentation sociale, ces marchands du sommeil grassement rémunérés, qui seront ici à la manœuvre, en tirant le meilleur parti post-festum, en opportunistes avisés qu'ils sont - c'est même là leur seul talent, celui de savoir gérer leur carrière de main de maître. C'est ainsi qu'après avoir diffusé en boucle sur toutes les chaînes et réseaux dits "sociaux" l'agression d'un jeune malaisien par des "émeutiers", le gouvernement britannique pourra se vanter d'avoir dressé la population des esclaves anglais contre les émeutiers, aidé en cela par des marques voyant là une occasion de se faire de la pub en promettant - réalisme oblige - des "récompenses" à ceux qui rapporteraient des objets récupérés !...

 

Alors même que cette arrogante démocratie fait la publicité de sa supériorité en donnant à la planète des leçons de "démocratie", faisant la guerre pour cela, renversant des dictateurs qu'elle aura elle-même mis en place au nom de la liberté des peuples et de la honte qu'il y aurait à bafouer les "droits de l'Homme", voici, en leur patrie même, les derniers oripeaux de l'habeas corpus laisser la place au retour en force du droit seigneurial moyen-âgeux du pilori ; un réel "progrès", censé rétablir l'ordre d'une société que la machine à vapeur et le vampirisme capitaliste auront décomposée au-delà des limites permises au peuple.

Les vrais bandits, quant à eux, peuvent bien continuer de battre la campagne et poser leurs ultimatums aux États de payer ce qu'ils doivent.    

 

C'est évidemment ce sens bien compris du ciment social par le "bouc émissaire" qu'utilisèrent les pouvoirs totalitaires, au premier rang desquels les nazis, par l'usage de la délation, laquelle instaurait l'autorité de l'État, c'est-à-dire de sa bureaucratie, contre celle de la famille, ce contre-pouvoir qu'il lui fallait dissoudre en le dénonçant, aux enfants, comme "arriéré" et "antisocial". (5)

Pour paraphraser, c'est-à-dire corriger, la structuraliste Julia Kristeva s'exprimant à propos des nazis, "En s’interdisant de penser, de poser des questions, le bureaucrate se contente d’obéir ".

 

Voici donc cette "démocratie" réduite à la dernière abjection, (6) dont on peut dire qu'elle traduit bien son essence religieuse dans sa croisade pour "purifier", c'est-à-dire soumettre, le peuple aux anges du Bien que sont les banques et leurs prêtres du Polit Buro new look.

 

Le Premier ministre britannique a déclaré que les émeutiers devaient être exclus de leur logement social (1)

 

Voilà qui ne saurait mieux tomber en ces temps de disette, où même l'ordinaire de la survie doit être servi sur un plat d'or à not'bon maître :  le capital, lequel, de New York à Damas, en passant par Pékin, Londres ou Moscou, impose partout sa fulgurante "démocratie" par sa machine de guerre, ce "droit des peuples" à ne servir qu'un seul dieu, l'argent. 

 

Modifié le 15/08/11
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NOTES, LIENS & SOURCES

 

* http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/vu-sur-le-web/20110809.OBS8313/la-police-de-londres-publie-des-photos-d-emeutiers.html 

 

** http://www.mediapart.fr/journal/international/150811/les-emeutes-en-grande-bretagne-nauraient-du-surprendre-personne

(accès payant)

 

1 - http://www.rfi.fr/europe/20110813-population-britannique-mobilisee-contre-casseurs 

 

2 - Andy Coulson a démissionné en 2007 de la rédaction en chef de News of the World après les premières révélations d'écoutes illégales de la famille royale. Quelques mois plus tard, il a été engagé par David Cameron comme directeur de la communication du Parti conservateur, alors dans l'opposition.

http://www.franceinter.fr/depeche-david-cameron-defend-sa-bonne-foi-dans-l-affaire-des-ecoutes

 

3 - http://www.france24.com/fr/20110813-royaume-uni-emeutes-britanniques-mobilises-identifier-coupables-photos-delation-cameras-surveillance


4 -  Mark Duggan a été tué à Tottenham, au nord de Londres, dans des circonstances qui n’ont pas encore été élucidées, lors d’une opération policière contre la criminalité. Une autre enquête est menée, conduite par une commission indépendante (Independent Police Complaints Commission, IPCC), alors que, selon la presse britannique, les policiers auraient ouvert le feu sans avoir été attaqués. Jusqu’ici, selon la version de la police, Mark Duggan aurait ouvert le feu sur un officier, avant d’être abattu. Une arme aurait même été retrouvée près du corps. Thèse que récusent les proches de la victime pour qui le récit des policiers ne cadre pas avec la personnalité de Duggan, dont le casier judiciaire était vierge. Les résultats de l’enquête balistique sont attendus.

http://www.humanite.fr/monde/la-mort-suspecte-de-mark-duggan-477577


5 - Elle fut largement utilisée, par le biais de promotions ou récompenses, dans le cadre du colonialisme et l'oppression des occupants contre les indépendantistes dans les zones colonisées.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, elle est rendue obligatoire et encouragée par les services de renseignements du Troisième Reich. Elle devient une arme gouvernementale contre la résistance (politique), accusée de terrorisme, dans tous les pays alors occupés par l'Allemagne.

Aux États-Unis, le maccarthysme incite à la délation des personnes soupçonnées d'activité communistes. En URSS et dans les pays qu'elle occupe après le Seconde Guerre Mondiale, la délation est une pratique qui sévit dès l'école primaire. Les enfants sont encouragés à dénoncer leurs parents si ceux-ci émettent des idées différentes de celles que la propagande relayée par le système scolaire leur inculque. Le summum est atteint en RDA avec la STASI qui gangrène toute la société, personne n'est plus à l'abri d'un parent ou d'un voisin malveillant. http://fr.wikipedia.org/wiki/Délation

 

 6 Abjection. Condition servile qui fait tomber une personne dans le mépris.

  ( ...) dans ce sens, abjection se prend en bonne part, l'humiliation devant Dieu étant considérée comme une vertu. Trév. 1752. Terme jur., « aliénation » ou mieux « redevance » (cf. étymol.) : Ledit frère Jehan sera tenus de fere le fait de la baillie et a soustenir tous les frais, missions et coustemens et paier ledit chapitre, avecques autres subvencions ou abjections quelconques. (ds Gdf., réf. ds étymol.). http://www.cnrtl.fr/definition/abjection

 

 

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