De la colonisation

Publié le par Pim

Le retour de la question du voile couvrant la totalité du corps des femmes revenant couvrir la récente actualité par juridictions interposées, il nous semble utile d'en dire quelques mots :

 

Plusieurs niveaux ici interfèrent et s'entrechoquent, en premier lieu desquels celui de deux cultures, non celles que l'on pourrait supposer, a priori, puisque la chose nous est ainsi largement présentée par les media, d'une confrontation de la culture islamique et de la culture chrétienne, mais, bien plutôt de la culture française et de la culture anglo-saxonne.

C'est la Cour de justice européenne, c'est-à-dire la puissance de feu anglo-étatsunienne, qui va dire le "droit" dans cette affaire de vêtement, et la France devra, vraisemblablement, fermer sa goule, au grand plaisir, d'ailleurs, de tous les petits fachos qui hurleront à la mort de la souveraineté de l'État-nation.

 

Il y a belle lurette que l'État-nation n'a plus rien à dire face à la marchandise et au capital mondialisé, mais c'est maintenant, et comme par hasard par le biais de la sempiternelle question musulmane, que revient la chose sur le tapis des escrocs et autres marchands d'illusions à bon marché.

 

Ce qui prévaut aujourd'hui, est précisément la culture des marchands, c'est-à-dire l'absence de culture, ou plus exactement la culture réduite à sa marchandisation, à sa "patchworkisation" par laquelle tout vaut tout du moment que ça peut se monnayer.

Contrairement à la tradition politique de l'État français dominant toute vie sociale de sa haute tutelle, et décidant, au nom de l'universalisme, de ce qui est humain et de ce qui ne l'est pas, la tradition anglo-saxonne est une tradition mercantile, non pas plus "tolérante", comme on ne cesse de nous le seriner, mais plus pragmatique. Assez vite, les Anglais, je veux dire ceux qui font la pluie et le beau temps dans ce pays si ensoleillé, jugent de ce qui est dangereux ou non, de ce qui est profitable ou non au commerce. Telle est la seule règle. L'Angleterre est un pays de tradition coloniale, comme la France, raciste, donc, comme la France, mais à cette différence qu'elle laisse vaquer à leurs occupations chaque "communauté", qu'elle surveille du haut de ses miradors en tant que communauté, puisque chacune d'elle est susceptible de lui rapporter de juteux dividendes dans un empire où le soleil ne se couche jamais.

Ce n'est pas ainsi que raisonne l'État français qui en vient à juger comme dissidence, subversion tout ce qui s'écarte de la norme qu'il aura fixée au nom de l'universalisme.

 

En matière vestimentaire, cela donne qu'en Angleterre, celui qui veut, ou, plus exactement qui voulait marquer sa différence le faisait par le vêtement : s'habiller différemment était une forme de provocation. Le pragmatisme anglo-saxon a vite jugé de l'innocuité de la chose et, même, du bénéfice qu'elle saurait en tirer : aussitôt des boutiques se mirent à fleurir ici et là vendant de l'"underground" et de la contre-culture.

Ce qui est ainsi passé dans les mœurs comme lettre à la poste et source de juteux profits pour une nouvelle section de marchands en Angleterre, à la faveur des années de contestation autour du phénomène de la contre-culture - amené en France par l'avisé JF Bizot -, n'a pas été sans difficulté en France (des cas de licenciements pour vêtement non conforme ont été prononcés.

 

Aujourd'hui, la chose en Angleterre a pris la tournure qu'elle devait prendre : quand tout vaut tout, la dévalorisation de tout conduit au négligé. C'est celui-ci qui prévaut désormais là où l'on entend jacter english. Plus aucun soin n'est porté à la tenue vestimentaire. On s'en tape, et chacun de porter la blouse lambda, celle qui sert indifféremment à se transporter, à figurer, à rester devant la TV. Il n'y a guère encore que quelques travaux particulièrement salissants qui occasionnent un vêtement spécifique.

 

En France, la chose est aussi telle. Alors qu'il n'y a pas si longtemps, on s'habillait encore pour "sortir", ce n'est déjà plus le cas. La tristesse et la banalité sont de mise.

Dans ce paysage uniformisé, la burqa paraît une provocation, vécue comme telle et ce, d'abord, parce qu'elle est identifiée par chacun comme une provocation de type identitaire, religieux.

Bien évidemment ni l'identité, ni la religion n'ont à voir dans cette affaire.

Mais c'est là une manière de désigner ce qui relève la tête, ou, plus exactement, ce qui apparaît.

 

En France, l'identité n'a pas lieu d'être, sinon comme dissidence : il ne saurait y avoir qu'une seule identité, celle de citoyen. C'est pourquoi, la burqa est désignée comme provocation religieuse par l'État français qui la traite sur le plan politico-religieux, comme revendication identitaire des musulmans, au nom de la laïcité, de la "tolérance" religieuse, et blababla. Il laisse circuler Kipa, toges bouddhistes, saris hindouistes, turbans sikhs, mais se concentre sur la burqa musulmane au motif particulièrement fallaciaeux d'aliénation de la femme. Si telle était la réalité, je veux dire, si l'on se préoccupait réellement de l'aliéntaion, fut-ce pour les seules femmes, cela se saurait ...

 

De fait, la burqa est d'abord une manière de provocation pour celles qui la portent, à l'instar de ce qui fut en Angleterre, dans les années 60 du siècle dernier. Une manière aussi d'observer la colonisation qui a eu lieu où les questions se posent désormais en France sur ce terrain vestimentaire et individualiste.

Que la France n'ait pas les réels moyens de résister à cela, et qu'elle finisse, comme ce sera le cas, par se plier aux injonctions anglo-saxonnes en la matière, via la Cour européenne, est la signature sans appel de cette colonisation effective de la France, de sa culture, à cette tradition strictement mercantile, à son abandon, voire son rejet du politique.

Dans les services de l'État, désormais, que ce soit à la Poste - 1ère administration de l'État - ou au Pôle Emploi, l"'usager" est devenu un "client". L'usager avait des droits, sans doute, mais surtout celui de fermer sa gueule ; Merci M. le préposé de me rendre ce service pour lequel je paye des impôts. Le client, quant à lui,  n'a que des droits et surtout celui de gueuler qu'on ne le serve pas comme il y a droit, puisqu'il ne paye plus d'impôt mais que le service public est une officine à sa disposition.

Tout un changement de paradigme qui va,en effet, vers cette américanisation par laquelle les services publics se retirent peu à peu de la vie sociale, abandonnant les usagers à leur sort et à leurs griefs qu'ils n'ont plus guère l'occasion de faire valoir, puisqu'il n'y plus d'interlocuteur.

Publié dans De la Guerre

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