Face Block*

Publié le par Pim

"Les reproches et les rancœurs s’accumulent contre Facebook, et cela ne devrait pas s’améliorer avec l’acquisition d’Oculus Rift, développeur d’un casque de réalité virtuelle, principalement destiné aux jeux vidéo. L’annonce, tombée mardi 25 mars, a suscité un déchaînement de commentaires amers sur le Web.
En plus de ses engagements approximatifs sur la vie privée et sur la place, jugée excessive, de la publicité, Facebook est maintenant brocardé pour ses acquisitions spectaculaires de produits considérés comme alternatifs et indépendants : Instagram, WhatsApp, et désormais Oculus. (...)

Le site Gizmodo trouve lui aussi des circonstances atténuantes à l'accord, voire fait montre d’un certain enthousiasme :
« S’il y a bien une chose qui peut catapulter Oculus en termes d’adoption par les utilisateurs lambda, c’est probablement Facebook. Malgré le côté hors norme de cette acquisition, cette alliance pourrait se révéler prometteuse. Facebook détient à la fois une gigantesque base d’utilisateurs et beaucoup, beaucoup d’argent, les deux pouvaient être fort utiles pour Oculus, qui se bat pour créer un nouveau type de média, une évolution très difficile, quelle que soit la qualité du produit de départ. »

(...)

Les déclarations de Mark Zuckerberg ont pu paraître aller dans ce sens lors de l’annonce de l’achat :
« L’entreprise se concentrera d’abord sur la distribution à grande échelle [du casque] et ensuite sur la création d’un réseau où les gens communiquent et achètent des biens virtuels. » Et d’ajouter : « Il y aura de la publicité [(dedans]. »

(...)

Sur Reedit, un internaute (cité par Forbes) se moque : « Nous sommes de moins en moins pertinents à mesure que le temps passe. Vite, achetons quelque chose de cool et de nouveau. »
Pour le Wall Street Journal, la frénésie d’acquisition, (...) relève effectivement d’une certaine « paranoïa », qui n’est pas spécifique à Facebook, d’ailleurs.
« De la messagerie aux montres en passant par les thermostats, Facebook et Google, tout comme Amazon et Apple, chacun veut sa propre plate-forme numérique, où les gens communiquent, achètent et se divertissent. »
Tout l’enjeu est désormais de contrôler cette plate-forme.

Audrey Fournier
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/03/27/vente-d-oculus-a-facebook-une-honte-pour-les-internautes_4390834_651865.html

 

Voilà donc des manœuvres capitalistiques qui ne manquent pas de susciter de l'intérêt à plusieurs titres ; non seulement beaucoup d'argent est en jeu, mais, aussi bien, semble se dessiner là une sorte de filon exploitable à plus d'un titre et, pour ce qui nous intéresse particulièrement, comme le résumé de notre univers, et de ce qu'aura voulu, sans cesse, en dire ce blog, dont l'objet est de préciser les formes de l'aliénation moderne. 

 

Ainsi cette entreprise étaunienne a-t-elle notamment le projet d'"étendre l'accès à Internet partout dans le monde :
L'équipe du Connectivity Lab de Facebook comprend, entre autres, des experts de la NASA et les cinq salariés de l'entreprise britannique Ascenta, spécialisée dans les avions solaires capables de parcourir de longue distance.
Parmi les projets envisagés, détaillés sur Internet.org, est évoquée l'utilisation de satellites et de drones solaires. Ces derniers seraient capables de se maintenir un mois en vol à 20 000 mètres d'altitude et de servir de relais Internet.
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/03/28/facebook-travaille-sur-des-drones-fournisseurs-d-acces-a-internet_4391183_651865.html

 

En cela, elle ne fait que prolonger, à son niveau d'entreprise d'envergure mondiale, à présent, celui du gouvernement américain de contrôle d'Internet, pour la "liberté" duquel il semble se battre becs et ongles, puisque cela fait partie de sa propagande d'un "monde libre" et que l'Internet est devenu, comme on l'a récemment vu, un outil de contrôle social.

 

On savait déjà FaceBook être le bal des égos, où chacun se mire en y présentant sa face sous la forme la plus "présentable" selon les nomres sociales en vigueur.

Voici que la perspective d'intégrer la réalité virtuelle au réseau social va permettre à tous les insatisfaits de leur insuffisance de démultiplier par leurs délires mis en boîte la fascination qu'exerce déjà  l'un des vecteurs "modernes" de la puissance du spectacle, dont Debord disait, entre autres, qu'il était l'idéologie matérialisée.

 

"Oculus VR est une entreprise récente, mais qui suscite un fort engouement. En août 2012, lors d'une campagne sur le réseau de financement participatif Kickstarter, elle a récolté 2,47 millions de dollars (1,8 million d'euros) — soit presque dix fois plus que les 250 000 dollars (181 028 euros) initialement demandés. Un an plus tard, un fonds d'investissement lui octroyait 75 millions de dollars (54 millions d'euros).
Le créneau de l'entreprise, où travaillent 50 personnes : la réalité virtuelle. Les ingénieurs d'Oculus se sont fait connaître en créant le Rift, un casque qui permet de s'intégrer complètement à un monde virtuel grâce à deux écrans (un pour chaque œil) et des écouteurs isolant le joueur du monde réel. (...)

(...) dernier modèle développé par Oculus : le Rift DK2, dont les caractéristiques techniques promettent une meilleure expérience sensorielle. Une caméra séparée du casque permet, par exemple, de pouvoir faire apparaître des personnages ou des objets virtuels dans une pièce occupée (réellement) par le joueur. (...)

La Navy américaine a par exemple récemment dévoilé qu'elle testait les Oculus dans un programme nommé Blue Shark. (...)

l'une des premières réactions au rachat d'Oculus par Facebook est venue du Suédois Markus Persson,(...).
« La réalité virtuelle n'est pas mauvaise pour les interactions sociales. En fait, je pense que le social pourrait devenir l'une des principales utilisations de la réalité virtuelle. Etre capable de s'asseoir dans une pièce virtuelle et de voir les avatars de vos amis ? Des réunions de travail ? Des cinémas virtuels dans lesquels vous aurez l'impression de voir un film avec votre amis qui est à sept heures de décalage horaire ? (...) »

Si Oculus n'est pour l'instant pas encore vraiment concerné, il est un laboratoire pour imaginer comment placer des publicités au mieux dans un environnement virtuel — a fortiori si Facebook entend y développer des applications spécifiques pour les médias d'information ou de divertissements.
Facebook pourra également étudier la manière d'amasser des données laissées par les utilisateurs de logiciels de réalité virtuelle, qui permettront de définir des cibles publicitaires plus précises. Soit précisément le modèle économique sur lequel s'est construit le réseau social : au troisième trimestre 2013, Facebook engrangeait 1,80 milliard de dollars (1,3 milliard d'euros) de revenus grâce à la publicité.
Michaël Szadkowski
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/03/26/quatre-raisons-pour-lesquelles-facebook-investit-la-realite-virtuelle_4389725_651865.html

 

On s'amusera, sans doute, dans un premier temps, de ce que pour mieux "voir", c'est-à-dire, dans notre société du spectacle, "mieux survivre", il faille désormais s'arnacher, tel un cheval auquel il convient de mettre des œillères afin de le tranquiliser, qu'il n'ait pas peur.

Dans un second temps, cependant, il faudra bien considérer, d'un point de vue critique, que se contruit là, sous nos yeux, c'est le cas de le dire, un palier supplémentaire dans l'aliénation qui asservit les hommes au Capital.

Car, au-delà de la prouesse technique, c'est bien de capital, dont il est question, qui investit si visiblement et de manière si démesurée, dans un perfectionnement de ses protections, dans un perfectionnement de l'aliénation, où il lui faut, en effet, offrir aux ouailles, une manière de s'échapper de ses ravages toujours plus visibles dans l'horrible réalité ... vers les cieux de l'irréalité, tout en prétendant qu'il s'agit là de "réalité".

 

De réalité, il n'est plus que celle des séparations qui toujours davantage se renforcent, où le "dialogue social" n'est plus envisagé que par l'intermédiaire de coûteuses prothèses, où le chacun chez soi et Face Block pour tous, est une manière de mieux garder au frais les rancœurs, afin de mieux, aussi, les observer, les disséquer - ainsi que le font les systèmes de surveillance marketing et policière déjà en place, les transformer en matière sonnante et trébuchante, les manipuler, au besoin, en faisant croire ce qui n'est pas, comme sait déjà si bien l'organiser le spectacle et son cinoche.

Le rêve, c'est-à-dire l'inconscient, se faisant réalité, voilà bien le pire cauchemar. Comment mieux signifier la folie qui s'est emparée de ce monde devenu abstraction réalisée ?

Comment mieux exprimer son extrême fragilité ? ...

 

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NOTES, SOURCES & LIENS

 

* BLOCK : Moyen-Âge, appareil bloquant les jambes de criminels (variante d'un boulet)

(Source wikipédia)

Publié dans De la Dépossession

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