NOS FUTURS

Publié le par Pim

Le spectacle du malheur fait vendre, à n'en pas douter ; la peur qu'il engendre, tout autant que le confort qu'il est censé procurer de se trouver du bon coté de l'écran encore pour un temps - du moins veut-on le supposer - sont ce qui alimentent son succès.

C'est pourquoi tant de petits tordus s'évertuent-ils à le maintenir comme spectacle, et à garantir, de leurs voix nazillonnes, qu'il y a, ici, lieu de s'affoler quand il s'agit de tirer parti de la crainte de populations entières à propos d'un crime crapuleux commis dans un sombre quartier - les mêmes faisant leurs choux gras de fabriquer "risque terroriste", danger Rom, ou menaces migratoires*(1) -, là, qu'il n'y a aucun lieu de faire du battage médiatique sur des risques bien réels affectant bien réellement des millions, voire des milliards d'individus. Dans l'une comme dans l'autre des situations, il leur faut d'abord et quasi exclusivement garantir que l'État sait tout et qu'il s'occupe de tout.

Ainsi, dans la révolution libyenne, leur faut-il faire force démonstration de leur volonté de bons samaritains d'aller sauver le peuple libyen des exactions de son tyran, tout en sachant, par devers eux, que jamais, au grand jamais ils ne prendront le risque de faire sauter une tyrannie au profit du peuple, si ce n'est, précisément, pour sauver l'essentiel de cette tyrannie contre les prétentions populaires ;

Ainsi dans la terrifiante destruction du Japon par des forces désormais incontrôlables, leur faut-il "rassurer" que la situation est "sous contrôle" puisque, précisément, ils n'en contrôlent plus rien.

Et l'on voit alors se produire sur le petit écran ces amuseurs publics parlant à tort et à travers de ce qu'ils ne connaissent pas, et n''hésitant pas, puisque leur rôle de menteurs patentés l'exigent - ils sont payés pour cela - de dire le tout et son contraire en l'espace d'une journée.

MENTIR tel est leur rôle, puisqu'il s'agit, en toutes situations mettant en péril le statu quo de la domination, de dissimuler qu'elle est au centre de tous les désastres.

Ainsi parle-t-on aujourd'hui d'un débat sur le nucléaire, à la faveur de ce qui se passe au Japon. Mais c'est d'abord là une manière de ne rien dire de ce que le Japon est ici le paradigme même de l'attitude des pouvoirs en place par rapport à ce mode de production de l'énergie.

Ayant le premier servi de cobaye de la puissance de feu de la bombe - il s'agissait de faire la démonstration, in vivo, de cette puissance afin qu'elle devienne dissuasive -  voici ce pays engagé dans une sorte de course-poursuite avec son bourreau, voulant lui prouver qu'il ne lui cède en rien en matière de connerie, adoptant en tout son mode de vie, au mépris de ce qu'il fut, culturellement, au mépris de sa situation géographique si singulière - au carrefour de quatre plaques tectoniques -, mais avec toute sa culture précisément, forgée par cette situation de conflit permanent avec les forces de la nature, comme militairement.

Aussi bien la situation actuelle du Japon permet-elle de mettre en pleine lumière le véritable enjeu du nucléaire : celui de garantir un mode de vie, c'est-à-dire celui produit par le ce mode si particulier de production qu'est le capitalisme. Le capitalisme, comme mode de production d'une existence toute entière tournée vers le confinement, le chacun chez soi, la séparation en un mot, a besoin du nucléaire comme son instrument fondé sur la séparation des pouvoirs, avec ses modes militarisés et son secret-défense.

Ce qui est au cœur de toutes les situations concernant le risque nucléaire est précisément le secret-défense : rien ne doit filtrer de ce qui se trame au cœur de cette industrie, et les peuples -  "souverains" - se trouvent, de fait, soumis à ne rien savoir et à devoir subir les conséquences de décisions prises par d'autres dans le plus grand secret et, soi-disant, pour le bien des peuples.

En fait de bien des peuples, les voici à nouveau placés tels ces peuples de la préhistoire, devant le feu de forêt qui gagne et ravage tout sans contrôle aucun possible, à devoir prier devant le courroux de ces forces incompréhensibles et terrifiantes; cela alors même que la puissance de feu du nucléaire n'est un besoin réel que pour l'industrie c'est-à-dire la production de cette vie de merde, pour l'éclairage démentiel de ces mégalopoles que les besoins de l'industrie, ici encore, ont nécessité, pour ces néons publicitaires et ces démonstrations de la puissance marchande à produire des "lumières" en tout point du globe, pour alimenter ses générateurs démentiels, tels celui du CERN, entre autres, ou ces trains à grande vitesse ne menant nulle part ailleurs que devant un autre écran, un autre supermarché, une autre machine à laver ... mais plus vite.

 

Les images des ravages du Japon sont d'abord, à cet égard, le reflet de l'accumulation capitaliste du rien. Le voici, ce rien, en ses millions d'objets de l'industrie projetés les uns contre les autres - objets tous plus inutiles et sans âme les uns que les autres, au premier rang desquels les automobiles -, enfouissant dans leur tourmente les milliers de vie prises dans la nasse, comme le sont aujourd'hui, et chaque jour, les poissons de l'océan dans les filets de la pêche intensive qui jette sur ses quais des milliards de poissons que nul ne consommera. Le mépris de la vie ici brusquement condensé.

Les forces déchaînées sont naturelles qui mettent en évidence, dans leurs effets sur un mode de production, l'absurdité de celui-ci ; qui mettent en évidence que la première raison de la tragédie que vivent aujourd'hui les Japonais est d'abord le fait qu'ils n'ont en rien contrôlé le mode de vie dans lequel l'absurdité capitaliste les a entraînés.

Aujourd'hui que la domination entend se défausser de cette responsabilité en clamant que le problème ne serait pas le nucléaire - qui satisfait son goût immodéré d'énergie et justifie la séparation qui la fonde - mais des forces naturelles comme le raz-de-marée - qui ont le culot de venir troubler les prévisions des spécialistes, lesquels ont justifié par des calculs hasardeux de construire des centrales sur une zone sismique près de la mer sans prévoir de telles conséquences ; l'incompétence, une fois de plus ici avérée, de ces prétendus experts de la production capitaliste à tout prix, voici, pour le moins, une raison de s'alarmer - ce qui continue d'être promu sans vergogne est une concurrence acharnée entre les peuples, entre les individus. Les Japonais n'ont pas de pétrole pour alimenter leur délirante fureur d'être aussi cons que tous les autres peuples ? Qu'ils crèvent donc sous le feu nucléaire ...

Ce qu'enseigne la situation japonaise, une fois de trop, a contrario des propos de ces histrions d'un capitalisme aveugle autant que stupide, est que les individus sont tous dans le même bateau.

- Ajout du 1/04/11 - Que nous le voulions ou non, nous voici dans cette situation singulière où l'universalité du genre se trouve posée dans les faits par la pire de ses négations : c'est parce que les choix de chacun sont désormais supportés dans leurs conséquences par tous que personne ne peut ignorer les erreurs commises et que toute volonté de séparation se trouve anéantie par les conséquences même de cette séparation. Au diable les nationalismes ; la nucléarisation du monde en aura fait des crispations d'hommes préhistoriques.

"Le risque zéro n'existe pas", nous serinent désormais les guignols et autres commis de la domination - VRP de l'industrie, nucléaire ici, comme militaire ou pétro-chimique là -, les mêmes qui entendent par ailleurs nous faire avaler une tolérance zéro en matière sécuritaire, et l'on peut mourir aussi bien de prendre l'avion ou son auto et ce n'est pas une raison pour laquelle on supprimera l'avion et l'auto. Ces imbéciles feraient mieux de savoir se taire au lieu de se rendre toujours plus ridicules et de polluer en ouvrant le bec. Comment comparer le risque domestique et celui qui relève d'une décision prise par d'autres et qui concerne des milliards d'individus ? Le risque domestique, ainsi associé au feu nucléaire par ces prêtres de l'ère préhistorique, se trouve lui-même questionné et l'on découvre alors qu'il ne relève lui-même en rien d'une décision individuelle mais fait partie de ce mode de vie - de survie, devra-t-on dire à présent - qu'impose la logique capitaliste telle que l'autorise l'illusion nucléaire.

Une telle mise en question ne peut que devenir pratique, par une reprise de contrôle des choix nécessaires et de leur mise en œuvre, avant que la démence capitaliste ne nous brûle à jamais,     validant combien l'espèce humaine se sera avérée être bien la plus stupide des espèces animales ayant colonisé la Terre.

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NOTES

1 - L'amusant niou ministre de l'Intérieur de l'État français, dans la droite ligne de son prédécesseur, nous apprend que : "Les Français ont le sentiment que les flux [migratoires] non maîtrisés changent leur environnement. Ils ne sont pas xénophobes. Ils veulent que la France reste la France."  Il serait temps de lui demander si la France tchernobylisée reste la France, si les Français, dont ce ministre semble si bien connaître les sentiments, sauront montrer leur détermination à préserver leur "environnement" face aux contaminations nucléaires en provenance du Japon.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/03/15/claude-gueant-le-fn-ne-nous-sert-pas-de-boussole_1493265_823448.html

 

Modifié le 1/04/11 (Ajout du _ )

Publié dans De la Dépossession

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