"L’abondance pour tous"*

Publié le par Pim

La promesse de "l’abondance pour tous” ne saurait que séduire.
D’autant plus telle qu’illustrée dans un article de M’Art’In, "La permaculture" - édité sur le site "Cailloux dans l’brouill’art"(1) - par la vidéo d'une nature généreuse et nourricière sans travail, ni engrais, ni contrainte d'aucune sorte, paradis sur terrejardin d'Eden, dont on en vient à se demander, si c'est aussi facile, comment se fait-il que l'on en ait rien su PLUS TÔT ?


Serait-ce que voici anéanti, sans tambour ni trompette, sans Panzer, ni messe, un mensonge KoloSSAL, le “Arbeit macht frei", avertissement du proprio décorant le frontispice sous lequel devaient passer les hôtes d’Auschwitz, signant ainsi ses liens profonds avec les fondements mêmes de la civilisation du tripalium - pal à trois pieux, un délice de raffinement - dans laquelle nous continuons, allègrement, de surnager, avec force sacrifices puisque nous sommes ce que nous méritons d’être, selon toute vraisemblance ?....

 

L’abondance, vieux rêve humain, ne se mit-elle pas soudain à danser au sortir d'une pénurie organisée, telle que fut la seconde guerre, comme prenant au sérieux les promesses d’une société qui en aurait donc fini avec la rareté, et la malédiction du chagrin qui toujours l'accompagne, ... puisque les machines le permettaient enfin ?... Alléluïa !...


On sait ce qu’il advint du réveil, gueule de bois, la “crise” surgissant comme un chien féroce de nulle part. Ah si ! de quelque fond de puits de pétrole - toujours trouvé que ça sentait mauvais, ce truc - Au turbin ! donc, il n’y en aura plus pour tout l’monde, faut pas croire k’ça pousse sous le pas d’un cheval, etc ..;  rengaine bien connue : le camarade n’aura  pas couru assez vite ; le vieux monde l’a rattrapé, engloutissant ses rêves pour rétablir en ses “droits”, la “réalité”, la seule qui vaille d’être respectable, celle du mensonge, puisque ce qui importe, au final, est que soit maintenu l'esclavage, dépendance et soumission.
Aussi, quand (re)surgit la vieille promesse, nous voici reniflant.


La permaculture prend modèle sur la façon dont fonctionnent les écosystèmes sauvages en liberté tout simplement. Fallait y penser, laisser de coté notre prétention imbécile et mettre le nez au cœur de la vie pour voir comment ça se goupille.”

Halt ! Papiere !” (prononcer papire) : “mettre le nez au cœur de la vie pour voir comment ça se goupille” signifie l’avoir tuée et mettre le nez au cœur d’un cadavre ... lequel, alors, peut bien en effet être “analysé” (décomposé) comme un objet, avant d’être remonté comme un mécano.

Le vivant comme "système", voilà ce qui, peu à peu, colonise les esprits, depuis l'animal-machine de Descartes, et qui en arrive, aujourd'hui, à s'ériger en une sorte de nouvelle religion, dans laquelle l'utilité de chaque "pièce" devient la règle lui garantissant sa survie dans l’ensemble.
Culture de la mort, qui trouva sa traduction la plus réaliste dans le fumeux “Arbeit macht frei” : le travail tue, et le monde mort qui en est issu est la vérité des prémisses, la séparation initiale entre le producteur et son monde.


La permaculture ne s’oppose pas au vivant, mais utilise son incommensurable puissance et son incroyable diversité en la nourrissant. (...). Elle offre sans effort les fruits de la vie. Ne nous reste plus que les cueillir et les offrir.

Ahhhh ! qu’il est BON de se la couler douce ... de respirer à l'unisson de l'univers ...
On ne reçoit que ce que l’on donne ;  le don, irrigue la vie sociale, rend humaine l'humanité,  la fait devenir ce qu'elle peut et doit être, à défaut de quoi, elle ne saurait être. Les sociétés pré-capitalistes, lui doive leur saveur en un mélange de violence et de somptuosité, pour certaines d'entre elles, qui fit que la vie valait d'être vécue.

La division entre dominants et dominés, et l’esclavage qu’elle suppose - le travail -, qui prétend qu’il suffit de prendre pour être comblé, sans rien donner, ou le moins possible, laisse s’infiltrer - comme un voleur !... et un médiateur - l'échange, et la mesure, vision mesquine autant que stupide et désastreuse dans un monde où continue de prévaloir la prédation, et la guerre qui va avec, et qui, désormais, vont s’organiser “rationnellement”, comme domination et viol de tout ce qui bouge, vit, respire, afin de le presser du peu qu’il peut se laisser traire.
Pollution, dégradation, épuisement des ressources en sont l’unique perspective, laquelle catastrophe devient, par un cynisme si propre aux classes dirigeantes, spectacle de la catastrophe. Et voici ses gestionnaires mêmes, avisés de leurs seules affaires, de leur seule durée, n’avoir que les mots de “réalité”, de “réalisme" dans ce qui leur sert de bouche (d'aspirateur à phynance ?)., à devoir faire la preuve que LEUR réalité en est une au fur et à mesure que celle-ci apparaît toujours plus pour ce qu’elle : une faillite, une aberration d’esprits névrosés, accrochés à l’idée de la richesse comme une chose qu’il faut posséder, la marque des esclaves d’époques de pénurie et de disette, de travail et de souffrance, dont ces dinosaures perpétuent la trace pestilentielle jusque dans une ère d’abondance possible, y maintenant l’esclavage de force quand bien même il n’a plus aucun sens.


Ce qui abrutit l’agriculteur c’est de ne plus être à l’écoute de lui-même et de sa terre. Ce qui abrutit le banquier c’est de croire que l’argent existe plus que lui-même. Alors saute-t-il ou l’y pousse-t-on ? "

Bonne question.

L’argent n’a jamais eu la moindre valeur. il faut une bonne dose d’hallucination pour le croire, c’est-à-dire de dressage à prendre le faux pour le vrai, dans un climat de terreur telle que l’humanité en vint à oublier la réalité de ses désirs, dont elle est la seule maîtresse.

En attendant, pour l'heure, c'est bien plutôt le paysan indien qui se suicide aux semences et herbicides que lui aura fourgué Monsanto, néo-seigneur planétaire rétablissant le servage, et si l’agriculteur n’est plus à l’écoute de lui-même et de sa terre, s'il a en effet perdu le sens de son existence à force d'en être séparé, c’est qu’il a cru le banquier, lequel a réussi à lui faire gober que l’argent peut TOUT, comme esprit(2) de ce monde, qui fait surgir des oasis en plein désert, magiquement ..

Voilà qui ne peut manquer d'impressionner, les pauvres d'esprit notamment : l’humanité  se dédoublant, s’élèvant toujours plus au-dessus d'elle-même, se séparant toujours plus de la vile matière terrestre, hors-sol, se désincarnant, se purifiant pour s’élever vers les demeures infernales des dieux, momie cryogénisée, alimentée de milliards de tuyaux et combines ; toujours plus dépendante, en fait, à le croire sans limite, oublieuse de toute “réalité” puisque celle-ci, même, n’est plus que l’idée de l’argent, ne négligeant rien pour perpétuer le mirage hallucinant de l'abondance, y compris son propre anéantissement.

Sous le chaos, les carottes ? Il est vrai que ça facilite ... une bonne bombe au milieu du jardin ... et voilà que des pièces d’un ancien palais ressurgissent, avec leurs virus et tutti quanti ....
La bombe aurait-elle déjà explosé, de sorte qu'il n'y aurait plus qu'à se baisser, un peu, pas trop, pour ramasser le goût d'un paradis perdu ?
ou serait-elle, allumeuse d'espoirs sans cesse différés, à retardement, comme on ne cesse de nous le faire savoir, sans autre précaution, de sorte que nous voici à lambiner, supputer, saliver sur cette abondance carottée ... aux turbines de la fabrique du bonheur ?

  

Le gaspillage partout en témoigne, du temps, comme de la vie : l’abondance est déjà là, comme réalité d’une production pléthorique, et comme spectacle, auquel font face et la réelle abondance de la dépossession, et le spectacle de la pénurie, tel qu’il est en effet organisé par cette prétendue “gauche” si peu exigente d'en terminer avec l'aliénation qu'elle ne nomme jamais notre misère que dans les termes d’une insatisfaction de “besoins”, autrement dit privation de ce qui existe déjà - et qu’il suffirait de redistribuer équitablement -, et non comme possible, dont cette société est grosse, et qu’elle ne peut laisser advenir sans disparaître comme préhistoire de l’humanité.
La "survie" ne saurait  être l'enjeu, ainsi que cette époque, en tout ruineuse, prétend nous en faire avaler la nécessité.

Réduits à l’état de "besoins", les hommes ne sont plus que rouages de leur propre déshumanisation, seule réelle production de ce monde, laquelle se retourne visiblement contre eux sous la forme, entre autre,  d’une nourriture avariée. C’est parce qu’ils se produisent comme non-humains qu’ils bouffent pire que ce que l’on jetait autrefois aux cochons ; les porcs qu’ils continuent de bouffer ne sont plus que des idées, sans plus de réalité ni de goût. L’humanité en passe d’advenir est en train de disparaître, mort-née ... Voilà la question qui se pose à elle, urgemment.

 

 

Une "expérience" est l’amorce et l’indication de possibles dont cette société est grosse ...  : l'abondance est d’abord cette désinvolture à laquelle elle semble inciter.  C’est en celle-ci,  si joliment affichée dans l'œuvre d'une vie de jardin, comme chez son auteur anglais - nul n'est parfait -, réside tout l'intérêt de la démonstration.
Que l’oubli s’insinue du dressage à être tout à ses problèmes digestifs, et voici qu’éclôt le printemps : "Qu'est-ce que je peux faire ? j'ai rien à faire" faisait dire un Suisse à son héroïne, dans Pierrot le fou. Certains se sucident, d'autres font de la bronzette tandis que poussent, sans engrais ni eau, leurs carottes qu'ils cueilleront si le cœur leur en dit, ....

À quand une société humaine, qui se pose enfin la question pratique de l'emploi de la vie, à laquelle toute société, jusqu'à présent, scindée en dirigeants et dirigés, n'a jamais répondu que par les diverses formes de la mise en esclavage de ceux-ci par ceux-là, ce qui est une manière, en effet, d'occuper le temps ?


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NOTES, SOURCES & LIENS

* - Cet article, déjà publié sous ce titre hier 15/03/14, a été modifié le 16/03/14.

 

1 - http://rodolediazc.blogspot.fr/2014/03/la-permaculture.html

2 - Les Arabes, qui en connaissaient un rayon en matière d’esprit - les modernes broient du noir ; on ne peut plus rien pour eux - le nommaient du doux nom de djinn ; les English, toujours aussi certains de leur immense bonté, préfèrent le nommer Bourbon ; quant aux grenouilles, pff !, des matérialistes, qui ne connaissent de l’esprit que le sel, vu que, disent-ils, les épinards s’en trouvent plus goûtus  .

Publié dans De la Dépossession

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L
<br /> En début d'article, à propos du ploum-ploum-tralala bonheur sans contrainte, sur une "nature nourricière et sans contrainte", telle que Martine la préconise,<br /> putain, quand je vois fiston creuser de la commodité dans le sol, histoire d'alléger la tâche du semeur ou de la semeuse pour se retrouver à hauteur de la parcelle permaculturée,<br /> je me dis que la Muraille de Chine y ressemble, sans oublier le Chemin des Dames et autres tranchées du genre. Mais ce n'est rien, puisque le bonheur de la tranchée t'économise au moins un trou,<br /> le tien ! Par ces temps austères, c'est appréciable, nom de Dieu !<br />
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P
<br /> <br /> Je n'ai jamais dit que ce n'était pas "appréciable". Je dis simplement que c'est amusant ... voilà ce que, pour ma part, j'ai apprécié, le coté désinvolte du jardinier.<br /> <br /> <br /> Pour ce qui est du reste, faut voir ... je ne suis pas contre la suppression deu labeur. Si c'est là le programme ... Et, en cela déjà, c'est en effet toute une "révolution", comme il me<br /> semble l'avoir mis en évidence, sans doute assez maladroitement.<br /> <br /> <br /> Mais ce n'est pas pour autant qu'il s'agit là d'une révolution, si tu vois ce que je veux dire. D'abord, parce que , depuis le temps, si cela était le cas, cela aussi se saurait. Et aussi, et ce<br /> n'est pas le moindre, parce que de telles expériences restent en-deçà d'une reprise en mains, valable pour CHAQUE INDIVIDU, des moyens existants, des problématiques existantes.<br /> <br /> <br /> Une telle expérience généralisable en l'état à l'ensemble de la population actuelle ?<br /> <br /> <br /> Comme je viens de l'écrire à babelouest en réponse à son commentaire, il me semble que ce genre d'expérience participe, sans doute, d'une prise de conscience que d'autres pistes sont possibles<br /> que l'aliénation marchande, mais le printemps n'éclora pas sans la conscience de ce que nous voulons, ou plus exactement, de ce que nous ne voulons plus de cette société, fondamentalement.<br /> <br /> <br /> Je n'ai pas le sentiment que ce monde tombera d'une addition de critiques ponctuelles - ou alors, vive le socialisme ! - mais d'une musique cristal qui fera tomber les murailles de Jéricho ... Ce<br /> monde est à la merci d'une Idée, disait assez justement Voyer.<br /> <br /> <br /> Pour ma part, je n'ai pas le sentiment que même si nous avons  à faire là avec une indication, il s'agisse d'une "idée" telle qu'elle puisse résonner en chacun de nous, qui se<br /> dirait alors, ou plus exactement qui pourrait en parler à son voisin en lui disant : "mais oui ! bien sûr ..."<br /> <br /> <br /> Penses-tu vraiment que chacun de nous ait aujourd'hui le goût de retourner à la campagne ? Bien que l'idée fut celle des années 70 ... et regarde où on en est aujourd'hui : tout cela est<br /> parfaitment intégré, et M. Bové est même ... député européen ... Un belle carrière<br /> <br /> <br /> je ne sais si j'ai été assez clair.<br /> <br /> <br /> j'ai appris que t'étais "balade" ... prompt rétablissement, les cerisiers bourgeonnent ... bzzzz<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Y a t'il un pilote dans l'avion?<br /> <br /> <br /> La nature et ses forces, Nous voilà en suspend devant ce nid à réflexions,  alors qu’elle existe si simple et fondamentale, gérant la vie. Ton article<br /> permet dans son incroyable développement si perspicace, d’amener d’autres réflexions en rapport directe avec ce fil conducteur simple mais combien détourné pour nous anéantir … Incroyable<br /> étrangeté que notre prétention à vouloir gérer ce pourquoi nous sommes fait. Pourquoi tant de haine ? Notre espèce a t’elle toujours été de même? En te relisant, je m’aperçois qu’il y a encore<br /> bien des choses à mettre en miroir sur le sujet. Merci Pim , magnifique !!!!<br />
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