Papier à cigarettes

Publié le par Pim

Évoquer son épaisseur revient à dire que la différence de la cloison séparant deux objets est si fine qu'on pourrait en arriver à les confondre.

 

Une série suédoise passe en ce moment sur la chaîne TVArte, s'intitulant "Real humans (100% humains)" et mettant en scène la différence infime existant entre les robots - déjà à notre porte, pour ne pas dire dans notre lit -, et ce qui est encore désigné - par un abus de langage, dont on dira, provisoirement, qu'il relève d'une sorte d'habitude  - par le terme d'humains.

 

Dans cette série, où les robots ont, de fait, pris la place des humains dans toutes les tâches serviles, la ressemblance mène à la confusion et, de là, à la révolte de certains, qui en ont marre de ce que les robots prennent leur place.

On verra là plusieurs questions de société traitées : l'automation, bien sûr, mais aussi bien la question de l'immigration, ....

De manière plus essentielle, c'est la question de la conscience, de ce qui sépare l'homme de la machine quand la machine se met à exercer des tâches requérant une pensée, qui est ici posée.

Que la société actuelle en arrive à se poser la question de ce qui disingue l'homme de sa création, la machine, traduit l'avancée du problème de la dégénérescence de ce qu'est l'homme, de sa capacité à décider, à et à accomplir autre chose que des tâches routinières, pré-programmées par une organisation humaine qui pourvoit à tout se montre "préventive" à l'extrême, au point de retirer à l'homme ce qui fait l'homme.

 

La défense de ce qui fait l'homme, et semble, pour l'heure bien innommable à l'homme lui-même, devient donc le leit-motiv de la série, comme de mouvements réels dans notre société, dont cette série semble se faire le relais.

Dans la série, comme dans notre société, d'ailleurs, ces mouvements de défense apparaissent comme des forces plutôt conservatistes, refusant le "progrès" et raillés par ceux qui, au contraire, se laissent bercés par le chant de la robotisation tous azimuts et n'aperçoivent rien des dangers que suscite cette perte de contrôle.

 

Dans la série, la question se pose d'autant qu'un accident, survenu à un chercheur particulièrement avancé sur ces questions, fait surgir des robots hybrides, des androïdes dirions-nous, sorte de bionics dotés de conscience et de volonté de prendre la place d'humains faillibles.

Du fait, le propos prend une particulière acuïté concernant notre propre société : à l'heure où l'Organisation des Nations Unies - qui pourrait symboliser une sorte de prémisse de gouvernement mondial des affaires humaines, en vient à se poser la question soulevée par la venue plus ou moins imminente de robots tueurs (1), que convient-il de défendre ? le progrès, libérant l'homme - ce qu'il en reste - de toutes ses tâches, y compris celle de penser - ou l'homme faillible, luttant pour la survie de ce qu'il est sans pouvoir véritblement discerner en quoi il n'est pas aussi ce que sa création le fait devenir ?

 

Au  nom de l'efficacité, au moins, et, en arrière fond plus réel, du fait de l'argent qu'un tel "progrès" génère, l'organisation humaine a déjà tranché, et les hommes, en dépit de leurs résistances plus ou moins déterminées, doivent faire avec et semblent même s'en accomoder.

 

Ici le propos se renverse et ces robots hybrides, ces androïds deviennent ... la conscience de l'humanité , laquelle semble se résoudre à son sort : les humains sont en fait les vrais robots, et ceux qui résistent à cette robotisation sont des androïds ... "les enfants de David" - se désignent-ils dans la série, du nom de leur inventeur, introduisant par là une autre dimension de la question ... mais ceci est un pan que nous ne voulons pas traiter ici, bien qu'il ne soit pas, certes, sans importance -.

 

 

La critique de la robotisation, telle qu'elle est engagée depuis quelques décennies dans notre société - au moins depuis l'après-seconde boucherie mondiale qui a fait surgir la conscience des dangers du machinisme : le philosophe allemand  pro-nazi Heiddegger, sa critique de machinisme et de l'industrailisation -, n'est pas sans ambiguïtés.

Aujourd'hui elle semble se confondre avec un certain conservatisme, en face duquel la violence du choc de l'industrialisation du vivant s'énonce comme une "libération" de l'homme. Les lignes semblent s'être renversées, quand cette "libération" apparaît bien plutôt comme une destruction de celui-ci, sa liquidation au nom de son arriération, de son insuffisance (2).

On ne peut, pour autant, négliger le fait que ceux qui portent l'estocade contre l'industrialisation sont les mêmes qui entendent bien interdire l'avortement, entre autres, et maintenir l'humain dans les fers de l'obscurantisme.

Cet obscurantisme qu'aussitôt le spectacle dominant a beau jeu de désigner, au nom de tous ses méfaits, comme son  "ennemi", qu'il dit combattre, ici et là, quand, de fait, il est son meilleur soutien (3).


De fait, c'est bien plutôt l'obscurantisme qui semble s'être emparé, avoir détourné les oripeaux du "progrès". Un progrès détourné, capturé par les forces de l'argent, qui n'utilisent plus la science qu'à la conservation du même, à l'intérieur duquel tout progrès n'est plus qu'un progrès de l'aliénation.

En d'autres termes, la critique n'est pas sans devoir user plus que jamais de discernement sur qui sont ses réels ennemis.

 

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NOTES, SOURCES & LIENS

 

1 - " « Les armes complètement autonomes sont l'étape d'après les drones armés contrôlés à distance. A la différence de toutes les armes existantes, ces robots auront le pouvoir de déterminer le moment de prendre une vie humaine », écrit HRW. Les prototypes des futurs drones de combat,"

http://www.lemonde.fr/international/article/2014/05/13/une-premiere-reunion-internationale-pour-reguler-l-usage-des-robots-tueurs_4415847_3210.html?xtmc=onu_robots_tueurs&xtcr=1

 

2 - Le discours de Dakar, cette diatribe raciste prononcée contre les africains, est aussi bien une apologie de l'industrialisation.

 

3 - Ce soutien à l'obscurantisme religieux, on le voit partout dans la destruction de sociétés laïques et leur remplacement par des théocraties obscurantistes.

Publié dans De la Dépossession

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