Le spectacle tue
AJOUT du 16/05/14 (Note 2)
Comme en contrepoint de l'article "Cannes s'invite à table chez les pauvres"(1), paraissait dans le Journal de la chaîne TVArte, un reportage sur l'état des travaux de préparation du Mundial 2014 qui doit avoir lieu au Brésil, état qui semble bien peu avancer. Après avoir mobilisé des sommes considérables, ces chantiers ont aussi bien draîné les forces de ce pays jusu'à les rendre exsangues.
En illustration d'un chantier de tramway, entre autres, délaissé depuis 8 mois, était interviewé un jeune homme sortant d'un dispensaire et constatant cet état de fait que les médecins ne pouvaient plus s'occuper de la population civile puisque ... il ne pouvaient être partout à la fois : quelque peu désabusé, le jeune homme en concluait, en substance : "Le sport, c'est l'aliénation; Ils nous font miroiter cela pour nous distraire d'autres problèmes".
Sans doute ! "Panem et circenses" ... Du pain et ... les jeux du cirque, était déjà la méthode des empereurs d'un monde romain en déliquescence et si proche de sa chute.
Le sport n'est pas, en soi, une aliénation. Le spectacle, l'organisation spectaculaire-marchande, l'insrumentalise comme une marchandise de choix mobilisant les foules, et permettant la canalisation de passions contenues vers des cibles sans conséquences. Une telle importance stratégique de la chose se révèle au moins par le fait qu"une telle instrumentation, outre qu'elle génère en effet, des sommes kolossales - ce qui est là, son premier objet, mais non le seul - mobilise les forces d'un pays pour un divertissement éphémère dont il ne restera rien, ou si peu. Pour ce faire : destruction de quartiers, déplacement de populations, chamboulement de villes et de vies, sans parler même de la violence de ces travaux qui, le plus souvent, se font à l'arraché, dans des délais très courts, avec une population travaillant dans des conditions proches de l'esclavage antique, comme c'est le cas, de manière connue de tous, - sans que personne de nos pieux "humanistes" aux manettes ne semble vraiment trouver à redire d'une telle réactivation de l'esclavage humain - à Doha, au Qatar, préparant ses "festivités" qui doivent parachever une image de marque qui sera vendue de ci, de là, pour promouvoir la capacité du Qatar de se faire valoir partout dans le monde comme un interlocuteur plausible, un "partner", un client sérieux (2).
"(...) Tout l'été, il avait trimé à leurs côtés, onze heures par jour et six jours par semaine, sur l'un des chantiers qui prolifèrent dans cet émirat depuis qu'il s'est vu confier l'organisation de la Coupe du monde 2022. "Notre employeur avait refusé de nous accorder la pause qui est prévue par la loi entre 11 h 30 et 15 heures, durant les deux mois les plus chauds de l'année", où la température peut monter jusqu'à 50 °C, témoigne un ex-collègue.
"L'aurait-il voulu, le charpentier du Kerala n'aurait pas pu changer d'emploi ou rentrer chez lui. Pilier de la vie économique du Qatar, le pays doté du PIB par habitant le plus élevé au monde (110 000 dollars par an), la règle du sponsor (kafala en arabe) interdit à tous les employés étrangers, y compris les Occidentaux, de rompre leur contrat sans l'aval d'un tuteur qui est souvent leur patron.(...) (3)
Voilà ce qu'est le spectacle, qui prétendûment nous distrait (lat. class.distrahere « tirer en divers sens; séparer » (CNRTL), c'est-à-dire nous éloigne, avec forces paillettes, des réalités d'un monde d'exploitation, de violences et de mort, où les petits se font esclaves pour être distraits de l'esclavage.
En dépit de ce que ce "système" circulaire permet à certains de s'enrichir outrageusement, il est aussi un monde sans maitres : le réel maître du jeu, ici, est l'argent. Cultivé sans relâche, Il se gonfle artificiellement d'une valeur qu'il n'a pas, pour que ceux qui soufflent ainsi dans la toile de la montgolfière puissent ... se distraire de leur labeur incessant.
Au passage, les vampires se goinfrent. Ils en sont les grand-prêtres, qui sacrifient à la "croissance", cette religion moderne, - c'est-à-dire à l'argent -, mais non les maîtres : quand bien même ils le voudraient - ce qui n'est pas le cas, admettons-le -, il leur serait impossible d'arrêter la machine, lancée mainteant à folle allure, ou seulement même d'enrayer ce système dont ils dépendent de manière vitale, en dépit de ce que nous chante partout le chœur des pleureuses. Ils ne sont que les profiteurs d'une guerre déclenchée selon les logiques abstraites de la valorisation, laquelle DOIT s'accomplir, comme le fleuve DOIT aller à la mer.
Ce "système" doit "tourner", comme tourne un spectacle que rien, par même les bafouillages ou les inconvenances des acteurs, ne doit arrêter. Ceux qui l'alimentent et lui permettent réellement de fonctionner,, ses "acteurs" COMME SON "PUBLIC", vont là où ils peuvent faire tourner la machine ; petites mains - maçons, ingénieurs, chercheurs d'or et de théories de la valeur - gros bras ou bras longs, ils sont ces millions de gens qui se font piéger : leur aliénation, leur croyance en ce qu'une telle abomination pourra les faire sortir de leur peine - puisque l'argent est ce levier suscitant les mirages - alors même qu'elle les y enfonce toujours davantage.
Isolés, ils sont pris dans la danse, dans la course, dans la dépendance sans autre objet que sa continuation jusqu'à ce que mort s'ensuive. Seule la conscience peut infléchir le mouvement, le renverser même, afin que reviennent ses fruits vers les humains. Il suffit pour cela - un rien, mais déjà trop, semble-t-il - de se parler et de s'entendre.
Pour en arriver à cela, cependant ... que de barrières à franchir, qui semblent insurmontables, faites de préjugés, d'abord - de conditionnements -, d'intérêt immédiats ensuite, où le lendemain, avant même que d'être, porte sur lui, déjà, l'ombre du passé, de ses défaites, de ses peurs, de ses mirages aux réalisations szns cesse déportées ...
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NOTES, SOURCES & LIENS
1 - http://rodolediazc.blogspot.fr/2014/05/cannes-sinvite-table-chez-les-pauvres.html
2 - AJOUT du 16/05/14 - "Sur la question de savoir si l'émirat avait acheté le Mondial, le président de la FIFA récuse ces allégations, mais pointe des influences venues du monde politique : « Je ne dirai jamais qu'ils [les Qataris] ont acheté [le Mondial], mais il y avait une pression politique, venant aussi bien de France que d'Allemagne. » « On sait très bien que des grandes maisons françaises et des grandes maisons allemandes travaillent au Qatar. Mais ils ne travaillent pas seulement pour la Coupe du monde ! », a souligné M. Blatter."
http://www.lemonde.fr/sport/article/2014/05/16/mondial-2022-au-qatar-une-erreur-pour-blatter_4419740_3242.html
3 - http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/10/18/les-damnes-de-doha_3497864_3242.html